Chapitre 36 : Au-delà des liens du sang

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Aldébaran

14 mars 1971

Zaina

Je me tenais devant le miroir, le regard rivé sur mon reflet. Ma peau était encore mouillée, des gouttes d'eau perlaient le long de mon corps, glissant sur les courbes qui me semblaient étrangères, imparfaites. Mon regard était happé par cette longue cicatrice qui serpentait le long de ma jambe. Elle n'était pas seulement une ligne, c'était comme une blessure béante qui refusait de se refermer, un rappel cruel de ce que j'avais perdu, de ce que j'avais enduré. À chaque fois que je la voyais, elle semblait me murmurer que je n'étais plus entière, plus celle que j'étais autrefois.

Je baissai les yeux un peu plus bas, vers mon ventre, là où une autre marque persistait, là où il y avait eu une vie et où maintenant il ne restait plus qu'un vide douloureux. Ce ventre, autrefois doux et plat, portait des marques qui me rappelaient chaque jour cet enfant que j'avais perdu. J'avais du mal à reconnaître ce corps comme le mien. Je n'arrivais plus à retrouver en moi cette femme que j'étais avant, insouciante, entière, et forte.

Ces cicatrices étaient comme des ombres sur ma peau, des échos de mes échecs et de mes douleurs, et je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'elles me rendaient laide. Repoussante, même. Qui pourrait vraiment me regarder et me trouver belle, entière, quand moi-même je me sentais si brisée ?

Je pinçai mes lèvres, le regard rivé sur ce reflet que je tentais d'apprivoiser sans y parvenir.

Une chaleur rassurante m'entourait alors, et je sursautai légèrement en voyant Jawhar derrière moi, ses bras forts se refermant autour de ma taille. Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale, et je me laissai aller contre lui, trouvant un réconfort inattendu dans sa présence. Son souffle chaud effleura mon cou tandis qu'il murmura doucement :

- A quoi tu penses ?

Je tournai légèrement la tête pour l'apercevoir dans le reflet du miroir.

- Et toi, où tu étais ? lui demandai-je.

- Dans la cour, avec Leila, répondit-il de sa voix implacable. Je lui ai appris à monter à cheval. Elle ne voulait plus descendre.

Je souris à cette pensée. Nous avions tout fait pour que Leila soit officiellement nôtre. Elle était devenue notre fille, celle que j'aimais comme si elle venait de moi. Mon cœur s'attendrit, mais une vieille blessure me tiraillait. Je pensai à l'enfant que j'avais perdu, à la douleur que j'avais enfouie depuis ce jour-là. Mais pour Leila, je voulais être différente, je ne voulais pas reproduire les erreurs de ma mère. Je voulais lui donner ce que moi, je n'avais pas eu : une mère présente, aimante, sans compromis.

Jawhar sembla percevoir mon trouble.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu parais... préoccupée.

Je baissai à nouveau le regard sur la cicatrice, incapable de m'en détourner.

- Je me sens laide, murmurai-je, tentant d'ignorer la honte qui montait en moi.

Il fronça les sourcils et secoua la tête avec une tendresse mêlée de reproche.

- C'est la chose la plus stupide que tu m'aies dite.

Je pinçai les lèvres, insistant.

- Non, sérieusement, tu ne trouves pas ça... repoussant ?

Un éclat étrange brilla dans ses yeux alors qu'il posa ses mains fermement sur mes hanches.

- Tu te souviens de la première fois que tu as vu mes cicatrices ? Qu'est-ce que je t'ai dit ce jour-là ?

Les ombres du désert [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant