CHAPITRE 18

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Aaron a tué quelqu'un. Et c'était ça, le but de la mission. C'est ça que j'ai interrompu, un meurtre.

Quelqu'un est mort devant mes yeux ce soir. Quelqu'un à été tué de sang-froid devant mes yeux.
Puis on est parti, on l'a abandonné là.
On aurait dû rester ? Non.
En fait, peut-être que j'aurai pu le sauver. Ou peut-être pas.
Je n'ai pas dit un mot pendant le trajet. Mais lui non plus. On n'a rien dit et pourtant, je trouvais tout cela bien trop bruyant.
Parfois, le silence a plus de sens que des mots.
Il n'a pas pleuré. Je n'ai fait que ça.
Il n'a pas cillé. J'ai tremblé de toute mon âme.

L'homme de la station-service et maintenant ce type...

Je renifle, recroquevillé sur moi-même dans la baignoire. J'avais besoin d'un bain. Enfin, je crois.
J'ignore si l'eau qui m'entoure provient des canalisations ou de mes yeux, tant j'ai pleuré. Et pourtant, cela ne fait qu'une demi-heure que nous sommes rentrés.
J'ignore si elle est toujours chaude, où peut-être qu'elle ne l'a jamais été.
Et pourtant, je continue de pleurer, de me refaire la scène en boucle, d'entendre résonner le coup de feu jusqu'à le sentir faire vibrer mon âme.
Il a suffi d'une balle.
La porte est fermée à clé. Je ne veux pas le voir. Je ne peux pas le voir.
Je ne sais pas quoi penser, je ne sais pas quoi ressentir.
Je réfléchis trop. Ou pas assez, justement.
J'en reviens à remettre ma propre existence en question tandis que celle d'un autre lui a été volée.

-Sors de la salle-de-bain ! Ça fait 1 heure que t'es enfermé là-dedans ! Aaron cri, de l'autre côté de la porte avant de rouer cette dernière de coups. Ouvre la porte, putain de merde ! Un coup de pied, un grognement de frustration.

-J'arrive. Ma voix n'est qu'un faible murmure et pourtant, elle fait écho dans mon esprit, comme une cloche que l'on ferait sonner sans s'arrêter. Je me bouche les oreilles, tentant d'étouffer ce bruit incessant.
Je me lève, enjambe la baignoire et enroule une serviette autour de moi. Lentement. Mais en tremblant.

-Si tu sors pas dans 10 secondes, je te jure que-

-Que quoi ? J'ouvre la porte pour tomber nez à nez avec le meurtrier, avec le monstre qui me scrute du regard. Mais moi je ne peux pas le regarder. Je regarde son visage mais pas ses yeux. Je ne sais pas ce que je regarde mais je ne veux pas plonger mes iris dans les siennes. Je risquerai de voir des fantômes... T'allais me buter comme tu sais si bien le faire ?

-Je... Je l'ignore et roule des yeux avant de le contourner en direction du lit où je m'allonge, les bras étendus et les yeux rivés vers le plafond.

Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?

-Tu ne peux pas m'en vouloir. Je t'avais dit de m'attendre à la voiture. Je ne réponds pas et ne lui jette pas un regard lorsque j'entends sa voix rauque se diriger vers le lit. T'aurais pas dû voir ça. Le matelas s'affaisse, sa chaleur embaume mon corps lorsqu'il s'allonge à côté de moi, me faisant bien plus d'effet que je ne voudrai l'avouer. Mon corps frétille, l'air est électrique mais je l'ignore. Mais ce mec méritait de mourir.

-Tu peux pas dire ça...

-Pourquoi ? Je le sens se tourner, probablement se mettre sur le flanc pour me regarder. Son souffle chaud caresse ma peau. Je le veux plus près.

Je le veux mort.

-Tu ne peux pas décider de la vie et de la mort des gens. Tu ne leur donnes pas la vie alors tu n'as aucun droit de leur reprendre. Personne ne mérite de mourir. Parce que s'ils sont là, ce n'est pas pour repartir comme ça, sans n'avoir rien apporté.

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