L'intérieur était exigu mais majestueux. L'endroit s'apparentait presque à une fourmilière, des soldats courant des dossiers à la main, allant s'occuper de leur travail. Le sol sous leurs pieds crissait légèrement et la douce mélodie du ruissellement des eaux de pluie sur les parois contrastait avec le brutal son des pas de course. La grotte dégageait une odeur de pierre mouillée, une senteur à la fois humide et parfumée. Une semi-obscurité y régnait, les lampes installées à intervalles réguliers sur la paroi offrant une douce lumière chaude aux passants. La fraîcheur de la grotte faisait trembler Eleanor et Clementine. La Chasseuse passa machinalement ses doigts sur sa peau hérissées, tentant de communiquer de la chaleur à son corps refroidi. Même sous son épaisse combinaison de travail, la mécanicienne sentait le vent frais passer sur son épiderme sensible.
Elles marchèrent durant un long moment, jusqu'au bout de la grotte, avant de tourner à droite pour rejoindre une alcôve masquée par une porte noire. Deux soldats étaient postés devant. Ils se mirent au garde à vous en voyant arriver la générale. Une douce chaleur régnait dans la pièce, chauffée par plusieurs feux dont la sombre fumée s'échappait par des cheminées naturelles au plafond. Un grand bureau était installé au fond, entouré par quelques meubles remplis de dossiers.
— Asseyez-vous, les exhorta Scarlett en montrant du menton les canapés devant le bureau.
Eleanor et Clementine se laissèrent tomber sur le siège pendant que la générale prenait place sur son fauteuil.
En silence, elle sortit un dossier d'un de se tiroirs qu'elle posa devant elle.
— Je suppose que vous êtes... familières avec l'alchimie ? On m'a confié une mission, celle de traquer les alchimistes renégats vus dans quelques villes du pays, mais qui provoquent bien du bruit. Et j'aimerais pour cela votre aide.
— Vous n'êtes donc pas assez compétente, générale ?
— Sachez que je ne jure pas que par la compétence et le talent, bien que ces derniers soient d'une grande utilité. Ce qui est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai toujours mis un point d'honneur à choisir mes propres troupes.
— Oh quel honneur !
— Eleanor, un peu de tenue...
— Je trouve ça complètement culotté de votre part de nous capturer comme ça et de nous demander de travailler pour vous. Je ne suis pas mercenaire, au cas où vous ne l'aviez pas pas remarqué. Je suis une Chasseuse. Je travaille pour ma ville, pas pour n'importe quel abruti venu me récupérer dans un coin de rue.
— Je le conçois parfaitement, sourit Scarlett sans se départir de son calme. Néanmoins, votre présence à Bucklemore a légèrement... contrecarré mes plans. Cette mission est extrêmement importante à mes yeux. Il est hors de question que je vous laisse une seconde fois tout gâcher.
— Et ? C'est pas une raison. Vous allez donc me dire que vous récupérez tous les idiots qui gâchent vos plans ? Ne me faites pas rire.
Scarlett poussa un long soupir et se leva.
— Je n'ai pas à me justifier. Vous venez avec moi, un point c'est tout. Pennington, toi qui est Chasseuse, tu devrais le savoir. Tu ne travailles pas pour ta ville mais pour l'État. Je fais partie de l'État, étant membre des Forces spéciales. Donc non, toi et Hazard, vous n'avez d'autre choix de me suivre. je vous l'ordonne, en tant que votre supérieure.
— Les Chasseurs forment une guilde, cracha Eleanor. Qui dit guilde, dit indépendance.
— Toi qui me parlais de culot, tu n'es pas la mieux placée pour dire de telles choses. Laisse-moi te rafraîchir la mémoire, Eleanor Pennington.
Scarlett s'approcha de la Chasseuse et se pencha vers elle. Même si l'intensité du regard de la générale déstabilisait Eleanor, elle ne bougea pas d'un cheveu.
— Vous nous avez demandé protection et fonds. Très bien, nous vous avons donné ce que vous voulez. Cependant, tout droit s'accompagne de devoir. Tu as le devoir de m'obéir.
— Elle a raison Eleanor. Arrête de te braquer, ça ne sert à rien.
— Oui, mais...
Le regard sans appel de la mécanicienne la réduisit au silence.
— C'est bon, j'accepte...
— Je te demande pardon ?
Eleanor grinça des dents en voyant le rictus victorieux de la générale.
— J'ai dit que j'acceptais !
— Bien. Dans ce cas, c'est réglé.
Elle retourna à son bureau prendre le dossier qu'elle posa sur la table en face de Clementine et Eleanor.
— Lisez ça. Toutes les informations les plus importantes sont notées ici. Je vous enverrai celle qui vous commandera quand elle rentrera. Avez-vous des questions ?
Tout dans son attitude hurlait que quelle que soit la question, elle n'y répondrait pas. Eleanor soupira et prit le dossier.
— Non, aucune. Je vous remercie pour cette entrevue pour le moins intéressante, générale Ambrose.
— Tout le plaisir est pour moi, voyons. Vous pouvez romper.
Si Clementine salua Scarlett avant de partir, Eleanor n'en fit rien, et sortit de la salle sans même un dernier regard.
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Engrenages Sanglants I : Soldats De Cuivre
Science FictionChalkos, 1964. Depuis de nombreux siècles maintenant, les villes sillonnent les terres, montées sur leurs roues ou leurs ailes. L'ancien si puissant Royaume-Uni n'est plus que quatre contrées où proies et prédateurs se poursuivent. Devenue une dicta...