Chapitre 41

2 1 0
                                    

Assise sur le perron de la cathédrale, Eleanor se tordait les doigts avec nervosité. Elle avait beau savoir que sa réaction était excessive et puérile, sa fierté l'empêchait de revenir en arrière. Elle leva ses yeux en direction du ciel, son regard accrochant l'éclat de la pleine lune et des sombres nuages l'entourant. Le vent frais faisait flotter sa chevelure brune tandis qu'elle posait sa joue sur ses genoux. Malgré tout, Eleanor avait l'impression d'avoir fait une énorme erreur en partant. La preuve, elle avait du mal à s'éloigner de la bâtisse, comme si une mystérieuse force la retenait là.

— Qu'est-ce que je fais donc ici... ?

Quand elle avait entendu la nouvelle sur Copperhelm, la seule idée qui s'était imposée à son esprit était d'y aller. Elle devait à tout prix vérifier si tout allait bien. Elle devait à tout prix vérifier si sa ville était saine et sauve. Cependant, un autre sentiment avait commencé à naître quand elle était sortie. Elle passa une main dans ses cheveux, inquiète. Elle mit du temps à se rendre compte qu'elle se faisait du souci pour celles qu'elle avait laissées dans la cathédrale, plutôt que sa ville.

— Bordel !

Elle se releva d'un coup et monta les marches en bondissant pour retourner dans la cathédrale, son cœur battant la chamade. Elle ouvrit la porte d'un coup et fut accueillie par un cri lugubre qui résonna entre les murs.

— Amelia ! Amelia !

— Que s'est-il passé... ?

Eleanor promena son regard dans la nef. Clementine, Juliet et Rosalind avaient disparu. Il n'y avait que Madeline qui tenait le corps d'Amelia en tremblant. Les larmes coulaient sans discontinuer de son œil. Le corps de la sergent était imbibé de sang et une profonde blessure barrait sa poitrine. Le bras de Madeline saignait abondamment, mais elle ne semblait pas y prêter la moindre attention.

— C'est cette connasse de Rosalind ! Elle a... elle a...

La colère semblait avoir remplacé le chagrin dans les yeux de Madeline qui se releva en pressant l'estafilade sur son bras.

— J'espère que t'es revenue pour te battre, Pennington.

— Je, oui. Oui.

— Dans ce cas suis-moi. Encore un écart et tu finiras en chair à chimères.

La Chasseuse hocha la tête en silence et se laissa emporter par Madeline qui la tira derrière elle. Des milliers de questions passaient dans son esprit et Eleanor ne savait pas si elle devait les formuler ou non.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je me demandais comment c'est arrivé...

— C'est arrivé comment c'est arrivé, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Dans un combat, il y a un perdant et un gagnant. Parfois le prix de la défaite, c'est la mort. C'est aussi simple que ça.

— Mais enfin...

— Ne dis rien. Je n'ai pas besoin de ta pitié. Ce n'est pas le moment de pleurer les morts...

Son expression et sa voix qui commençait à se briser criaient le contraire, mais Eleanor préféra ne pas remuer le couteau dans la plaie.

— Je comprends, dit simplement la Chasseuse.

Un vrai sourire naquit sur les lèvres de Madeline en entendant ces mots.

— Merci, fit-elle avec une expression sincère.

C'était la première fois qu'Eleanor voyait la caporale ainsi, et elle devait avouer que ce n'était pas déplaisant après tout le mépris que lui avait montré Madeline. Pour la première fois depuis qu'elle la connaissait, elle commençait à voir derrière la carapace.

— Allons-y. Nous n'avons plus de temps à perdre.

Eleanor hocha la tête et les deux femmes dévalèrent les marches les menant dans les cryptes de la cathédrale, là où se cachaient les terroristes et les alchimistes pour leur combat final.

— J'espère que tu n'as plus rien à perdre, Pennington, souffla Madeline en poussant la porte au pied des marches.

Elle se retourna pour fixer Eleanor, son œil gris étincelant.

— J'ose espérer que tu as l'estomac bien accroché, ou tu risques de ne pas t'en sortir indemne, voire ne pas t'en sortir du tout.

— Je suis rassurée...

Madeline se fendit d'un triste sourire. Si la peine avait laissé place à la colère, le chagrin était toujours présent. Elle serra les dents pour ne pas verser des larmes.

— Je n'ai plus rien à perdre, murmura Eleanor. À part ma propre vie.

— Dans ce cas, allons-y.

Engrenages Sanglants I : Soldats De CuivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant