Chapitre 30

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Juliet dirigea la montgolfière jusqu'à Copperhelm, la deuxième ville de la contrée de Helm où les renégats avaient été observés.

— Quand comptez-vous dire à Pennington ce qu'il se passe avec Copperhelm ?

La colonel sursauta. Elle ne s'attendait pas à cette question. Elle fixa Madeline, qui pour une fois semblait docile.

— Le plus tard possible. C'est une information qu'elle ne doit pas savoir. Je ne peux prendre le risque qu'elle s'échappe ici. C'est beaucoup trop dangereux. D'autant plus que... Copperhelm est devenu le centre des actions des renégats. Depuis que la générale Ambrose y a pris momentanément le pouvoir en tout cas.

— Ce ne sera que plus difficile pour elle d'accepter la vérité, si vous voulez mon avis.

— Je sais bien. Mais nous avons besoin d'elle. Je ne peux pas la laisser partir.

— Comme vous voulez. Cependant, je ne pense pas que manipuler est la meilleure solution.

— Nous sommes du même avis, Wilkincraft. Nous sommes du même avis... C'est néanmoins un mal nécessaire. Quand nous aurons renversé le gouvernement, ce sera malheureusement à Pennington de guider la Guilde des Chasseurs vers une organisation meilleure. C'est l'un des rôles que nous lui avons attribué. Elle doit faire face à des obstacles qui lui paraissent infranchissables pour grandir, que ce soit en maturité ou en force. C'est une jeune femme naïve. Oui, c'est déplacé de notre côté de l'utiliser ainsi, mais...

— Comme vous l'avez dit, c'est un mal pour un bien, murmura Madeline. Malheureusement. Mais je comprends. Ces temps sont durs pour tout le monde. Même si je n'apprécie pas trop ça, sacrifier une personne est bien mieux que laisser mourir tout un pays.

Juliet hocha la tête. Elle était rassurée de savoir que la caporale suivait sa logique et son mode de pensée. Même si elles n'étaient pas complètement d'accord sur certains points, elle savait que Madeline la suivrait. L'apaisement que lui procurait le soutien de sa subordonnée lui faisait le plus grand bien.

— Je suis heureuse d'avoir une personne comme vous dans mes rangs, caporale Wilkincraft.

— Tout le plaisir est pour moi, colonel Hammer.

Juliet sourit tout en se posant sur une des plateformes de la ville. L'enveloppe du ballon se dégonfla lentement, tandis que la colonel éteignait la flamme dans le foyer. Elle saura de la nacelle, suivie par Madeline.

— J'ose espérer que les renégats sont toujours en position...

— En effet. Chaque fois que nous avions exploré une ville, celle-ci était vide. Comme s'ils savaient qu'on viendrait... Pensez-vous qu'il y a un traître dans nos rangs ?

— C'est fort possible... personne à part nous sommes au courant de nos activités. J'échange très régulièrement des informations avec la générale Ambrose, mais nous utilisons un canal hautement sécurisé. Que quelqu'un puisse en prendre connaissance est impossible.

— Et le caporal Vyne ? Il a été la cible d'un homoncule.

— Je l'ai déjà dit, c'est un affront direct. Il m'a raconté comment ça s'est passé et... ce n'est pas réjouissant. Cependant, je suis convaincue que le caporal Vyne n'est pas coupable dans l'histoire. Il fait partie de nos meilleurs éléments et est une figure importante dans l'escouade. Il connaît la générale depuis longtemps. J'ai du mal à croire qu'il pourrait la trahir, en vérité.

— Sois proche de tes alliés, mais sois encore plus proche de tes ennemis...

— Si un ennemi était aussi proche de la générale aussi longtemps, elle l'aurait deviné, vous pouvez me croire.

— Je ne doute pas de ses capacités, loin de moi l'idée. Cependant...

— Être prudent est une bonne qualité, caporale Wilkincraft. Néanmoins, être paranoïaque est un défaut. Ne tombez pas dans l'excès.

— Je sais. Je le sais bien, murmura Madeline.

Juliet pressa l'épaule de la jeune femme.

— Si traître il y a, nous le débusquerons, vous avez ma parole.

Madeline sourit, rassurée. La ville était étrangement calme, comme morte. Les rues n'étaient pas animées, volets fermés. Seuls les bruits de la ville qui se déplaçait résonnaient dans les rues ; les grincements des maisons, le chant du vent qui passait sur les tuyaux et les engrenages sur les murs.

— C'est assagi... surprenant, pour cette période de l'année.

Elle parcourut le paysage du regard. L'ambiance lugubre ne la mettait pas très à l'aise.

— Allons-y. Ne traînons pas ici.

Madeline acquiesça silencieusement et suivit Juliet dans les rues.

— Là où tout a commencé, murmura la colonel en arrivant devant l'immense cathédrale de la ville.

— Et j'espère que ça va être là où tout va se terminer...

— Je l'espère aussi, caporale, je l'espère aussi.

Elles rentrèrent dans la cathédrale, le cercle qu'elles avaient découvert toujours tracé à même le sol. Juliet s'accroupit et posa ses doigts sur ses contours. Elle frotta la poussière qui était apparue sous sa main. Le vent entrait en sifflant par les vitraux brisés, faisant voler les toiles d'araignées attachées çà et là.

— Il n'y a pas âme qui vive...

La voix de Madeline résonna dans l'immense bâtiment vide. Le vent frais faisait frémir les deux femmes tandis qu'elles marchaient en direction de l'autel. Comme toujours, le symbole du groupe brillait, gravé dans le marbre sombre. En silence, Juliet ouvrit le passage.

— Je ne m'y habituerai certainement jamais à ça, soupira Madeline en regardant les escaliers s'ouvrir à elle.

— Tant mieux, parce que c'est bientôt fini. Nous montrerons au monde entier la supercherie. Bientôt nous formerons un gouvernement juste et droit qui n'emploiera pas ce genre de basses techniques pour faire régner son pouvoir.

Engrenages Sanglants I : Soldats De CuivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant