Chapitre 10

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Scarlett se laissa tomber sur le dossier de sa chaise quand Clementine eut quitté la pièce. Ses yeux fixaient le plafond sans le voir. Elle laissa son esprit vagabonder, avant d'être interrompue par la venue de Juliet qui portait un tas de documents, qu'elle laissa tomber avec un bruit sourd sur la table devant les canapés.

— J'ai trouvé toutes les informations des archives sur nos villes, soupira Juliet. Ça en aura mit du temps...

Scarlett eut un sourire et se leva pour rejoindre la colonel. Elle s'assit à ses côtés, tandis qu'elle déballait les dossiers avec le regard d'une enfant ravie découvrant ses cadeaux. Son air joyeux disparut quand elle eut tout sorti.

— On va en avoir du travail, soupira-t-elle.

— Juliet, pourquoi on nous a confié cette mission ?

— Parce qu'on est les meilleurs, enfin !

Le regard mi-amusé, mi-noir de Scarlett la fit sourire.

— Je n'en sais rien, en toute honnêteté. Elle pouvait être confiée à n'importe quelle escouade des Forces Spéciales. Mais c'est nous qui avions été choisis.

— Tu crois qu'on a quelque chose de spécial ?

— Où est-ce que tu veux en venir ?

Scarlett hésita quelques instants, comme si elle ne savait pas si elle devait confier sa plus grande crainte à son amie.

— Est-ce qu'on a été démasqués, selon toi ?

— Ne raconte pas n'importe quoi ! Si le pot aux roses avait été découvert, je peux t'assurer qu'on serait tous six pieds sous terre.

— J'en sais rien. Ça leur ressemblerai bien de nous laisser faire et tout gâcher une fois qu'on ait réussi. Je suppose qu'ils se diront que voir nos rêves s'écrouler serait leur plus grand bonheur...

Juliet resta pensive quelques secondes. Scarlett n'avait certes pas tort, mais...

— On ne peut pas savoir, trancha-t-elle. Qu'on soit démasqués ou pas n'y change rien. C'est notre mission et on se doit de réussir.

J'aimerais tellement avoir ta confiance... Malgré ses craintes, Scarlett hocha la tête. Juliet semblait bien plus déterminée qu'elle, et elle sentait naître en elle un malaise dont elle n'arrivait pas à trouver le nom.

— On va réussir, Scarlett. Je te le promets, sourit Juliet, interprétant mal le mutisme de son amie.

— Oui. Oui. On va réussir.

Elle se crispa en voyant que son ton était bien moins convaincu que Juliet. Celle-ci sembla le remarquer, car l'inquiétude qui fronçait ses traits s'accentua quand elle se tourna vers elle.

— Scarlett, tu es sûre que ça va ?

— Juste... je ne me sens pas...

Son regard vola vers le petit cadre posé sur son bureau. Elle ne voyait pas la photographie à l'intérieur, mais la connaissait par cœur pour l'avoir observée tant de fois. La première photographie qu'elle avait prise quand elle était entrée dans l'armée.

— Tu es légitime, Scarlett, affirma Juliet, qui cette fois avait compris. C'est votre rêve. Même si Alizarine n'est plus là, c'était votre rêve.

Justement ! voulut se récrier Scarlett. Ce n'est pas mon rêve ! C'est son rêve ! Néanmoins, elle n'en fit rien. Elle ne voulait pas que Juliet le sache. Pas elle. Elle lui faisait confiance, mais à elle, à elle, elle était incapable de lui dire. Elle en avait parlé à Theodor, et il l'avait, comme toujours, écoutée et rassurée, mais elle avait été incapable de tou lui dire.Même si elle lui faisait entièrement confiance.

Même si elle l'aimait plus que tout.

Même si...

— Scarlett ?

— Ça va.

Elle se sentit coupable de mentir à sa meilleure amie, car, malheureusement, elle n'était pas que sa meilleure amie, elle était aussi sa subordonnée. Malgré leur proximité, il y avait toujours cette distance formelle qu'elle n'avait étrangement jamais ressentie avec Theodor.

— Qu'avez-vous découvert, colonel?

Juliet sursauta en entendant le ton, à présent, impérieux de Scarlett.

— J'ai réussi à mettre la main sur de nombreuses informations, mais... il y en a plusieurs qui m'ont été bloquées. « Secret d'Etat », à ce qu'on m'a dit.

— C'est étrange... Nous travaillons pourtant directement sous les ordres de la générale en chef.

Juliet opina:

— C'est pour cela que j'ai essayé d'insister, mais impossible. Apparemment, seuls les grands généraux y ont accès.

Scarlett plissa les yeux. Ainsi c'était des informations disponibles seulement pour les généraux des armées et la générale en chef.

— Je vais mener mon enquête, déclara Scarlett en se levant. Quant à vous, vous pouvez vous préparer pour votre mission imminente.

— A vos ordres...

Avant qu'elle ne parte, Juliet vit passer dans le regard de Scarlett une émotion qu'elle fut incapable de déterminer.

— Scarlett...

— Vous pouvez romper, colonel.

Juliet hocha la tête, peu convaincue, mais se promit de lui tirer les vers du nez quand elle en aurait l'occasion.

Engrenages Sanglants I : Soldats De CuivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant