Chapitre 54

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Eleanor fixait sur Scarlett un regard étonné. La proposition de la générale lui semblait assez inopinée.

— Pennington, malgré les épreuves que tu as traversées, tu en es sortie plus forte que tu ne le seras jamais. C'est donc pourquoi je demande à toi et ta mécanicienne de talent de rejoindre mon unité.

— Je me sens flattée par cette invitation, bredouilla Eleanor, mais je dois la refuser. Ces épreuves comme vous les avez appelées, ce sont des plaies qui resteront à jamais ouvertes. J'ai besoin de temps pour me reconstruire et je sais qu'en restant ici, je me détruirai.

Scarlett ferma les yeux en souriant. Ses mains croisées devant son visage masquaient ses lèvres mais Eleanor vit que ses épaules étaient relâchées, signe chez elle de confiance.

— Je comprends ton choix, Pennington. Tu es une personne forte et déterminée avec beaucoup de courage. Tu survivras, j'en suis persuadée.

Elle marqua un instant de silence.

— Néanmoins j'aurais une dernière faveur à te demander. Je souhaiterais que tu sois à la base d'une nouvelle Guilde de Chasseurs. Une Guilde qui ne Chassera plus les villes, mais bien les ennemis du pays. Je sais que ce n'est pas chose aisée pour toi, mais...

— Je... je suis touchée par votre confiance, mais encore une fois, je me dois de refuser. Je ne veux plus avoir rien à faire avec les Chasseurs. Je sais, c'est égoïste. Par contre je peux vous rediriger vers quelqu'un qui sera plus que ravi de vous aider.

Scarlett se fendit d'un sourire.

— Je comprends. Ce n'est pas facile pour tout le monde d'agir pour le bien commun. Tu as besoin de prendre du temps pour toi, et c'est complètement compréhensible. Qui est cette personne dont tu me parles ?

— Antoine Stanhope. Il est... il vous ressemble. Il a toujours voulu œuvrer pour le bien.

— Je lui en toucherai deux mots, dans ce cas. Et toi, Hazard ? Acceptes-tu ma proposition ?

La mécanicienne hésita quelques secondes avant de répondre. Elle avait beau avoir discuté avec Eleanor, la décision qu'elle avait prise ne lui plaisait pas complètement.

— Je vais vous rejoindre, murmura Clementine. J'ai été en cavale et clandestine pendant trop longtemps maintenant. De plus, je vous dois bien ça après le fiasco que nous avions créé.

— Ce n'est rien. Je ne veux pas que vous me preniez en pitié, ni que vous vous sentiez redevable. Cette proposition, je vous la fait car j'estime que vous serez d'excellentes recrues. Surtout après la mort de Juliet, ajouta Scarlett d'une voix faible tandis que ses yeux s'embuaient légèrement.

— Dans ce cas j'accepte, dit Clementine avec un chaleureux sourire. Même si me séparer d'Eleanor m'est douloureux, c'est avec plaisir que j'entrerai dans votre unité, ma générale.

— C'est réglé dans ce cas. Pennington je te souhaite bon courage pour la suite et prends bien soin de toi.

— Merci... souffla Eleanor, touchée par l'attention de Scarlett.

La Chasseuse allait s'éloigner mais elle se retourna au dernier moment pour adresser un sourire à la générale.

— Félicitations pour votre médaille d'honneur, générale. Vous le méritez.

Scarlett eut un triste sourire, dans lequel se mêlait malaise et bonheur.

— C'est grâce à tes efforts Pennington. À toi et à Hazard.

Eleanor hocha lentement la tête et, après avoir lancé un dernier regard à Clementine, partit en fermant doucement la porte derrière elle. Scarlett la regarda s'éloigner avec un sourire dans lequel pointait une certaine tristesse. Malgré leurs débuts difficiles et malgré le fait qu'elle avait dû l'utiliser pour venir à bout des alchimistes renégats, elle s'était attachée à elle et à son caractère. Elle aussi mettrait du temps à s'en remettre, elle avait trop perdu durant cette mission. Juliet, Amelia et tellement d'autres soldats. Elle se pinça l'arête du nez en pensant à ce que Juliet lui aurait dit si elle l'avait vue dans cet état.

— Vous pouvez romper Hazard. Je vous appellerai si j'ai besoin de vous, ordonna Scarlett, employant le formel vouvoiement qu'elle employait lorsqu'elle s'adressait à ses subordonnés.

Clementine opina du chef avant de sortir du bureau.

Une fois dehors, la mécanicienne posa son regard sur Eleanor qui l'attendait, adossée au mur.

— Tu étais encore là.

La Chasseuse se fendit d'un triste sourire.

— Je voulais te parler.

— Bien sûr.

— Tu as accepté ?

— Oui... même après tout ce qui s'est passé, oui. J'ai l'impression que mes connaissances pourront servir. Et... je crois en la générale. C'est une bonne personne, avec un grand cœur. Elle ira loin.

— Sans aucun doute...

— Et toi ? Tu vas faire quoi maintenant ?

— Je vais me retirer de la Guilde des Chasseurs, et... je ne sais pas encore où aller et quoi faire, mais il est hors de question que je remette les pieds à Copperhelm.

Un éclair de chagrin passa dans les yeux bruns de la jeune femme.

— Je comprends. Prends soin de toi, Eleanor.

— Toi aussi...

Clementine sourit et allait s'éloigner quand Eleanor la rappela d'une voix forte.

— Attends ! Merci... merci pour tout, Clementine. Sans toi, je ne serais certainement pas ici...

— Tu es mon amie, Eleanor. C'est normal.

Clementine s'approcha d'elle et la prit dans ses bras. Eleanor sourit, laissant son visage se poser sur l'épaule de la mécanicienne.

— Adieu, Eleanor.

— Adieu, Clementine... fais attention à toi. Et... encore merci pour tout.

Elle ne répondit rien et se contenta de laisser couler des larmes silencieuses dans l'épaule d'Eleanor.

Engrenages Sanglants I : Soldats De CuivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant