Clementine parcourait du regard le dossier que Scarlett leur avait donné.
— Eleanor, tu pourrais peut-être m'aider au lieu de rester affalée sur le canap ?
La Chasseuse ne répondit rien.
— Ce n'est pas en fuyant que tu vas trouver ce que tu cherches. Pour trouver, il faut chercher. Ça ne va pas te tomber du ciel. Bouge-toi et prends ton avenir en main.
— Je n'ai pas besoin de tes conseils, Clementine.
— Ce que tu peux être bornée...
— J'ai mes principes.
Clementine marqua un temps d'arrêt pour fixer son amie. Un méchant ricanement fit son chemin dans sa gorge.
— Ben voyons... parce que égoïsme, cynisme et oisiveté sont des principes ?
Eleanor se leva brutalement, les yeux brillants de colère.
— Quelle femme vertueuse tu es, Eleanor ! Je suis tellement fière de toi !
— La ferme !
— Ton problème, Eleanor, c'est que tu as trop peur pour faire face à ta réalité. Tu es une alchimiste, que tu le veuilles ou non. Tu dois accepter ce pouvoir.
— L'alchimie ne m'a jamais rien rapporté, et tu le sais bien.
— C'est pour ça que tu as fui Cindervale, ta ville de naissance ? C'est pour ça que tu es devenue Chasseuse ? Pour détruire ? Ou pour ne plus avoir à penser à rien ?
Eleanor se laissa tomber sur le canapé. Clementine se mordit la joue en voyant le chagrin sur le visage de la Chasseuse, mais elle en avait besoin. Eleanor ne pouvait rester indéfiniment dans le déni. Elle n'en ressortira pas indemne.
— Tu ne peux pas...
— C'est bon, j'ai compris. Laisse-moi. Je dois me reposer.
Eleanor se leva et marcha d'un pas lourd jusqu'à la porte qui ouvrait sur une petite chambre. Elle claqua la porte derrière elle, laissant Clementine seule. La mécanicienne soupira et se pencha de nouveau sur l'épais dossier que leur avait donné Scarlett.
Quelqu'un toqua soudain à la porte d'entrée.
— C'est ouvert.
— Hazard, la générale souhaiterait vous voir, annonça le soldat qui venait d'entrer.
— Et Eleanor ?
— Elle a dit qu'elle ne souhaitait pas voir Pennington, uniquement vous.
Clementine plissa les yeux.
— Ne vous en faites pas. Ce n'est rien de trop grave.
— Je ne sais pas si je dois être plus effrayée ou rassurée, soupira la mécanicienne en se levant.
Le soldat eut un léger sourire et l'escorta jusqu'au bureau de Scarlett. Il toqua quelques coups timides.
— Entrez.
Scarlett leva les yeux de ses dossiers en voyant Clementine entrer.
— Installe-toi, Hazard. J'ai à te parler.
— De quoi voulez-vous parler, générale ?
— Une mission à te confier, ainsi qu'une information... que tu ne dois pas révéler à Pennington. Tu comprendras.
Scarlett se leva et prit une liasse de papiers posés sur un coin de son bureau.
— Mes soldats ont remarqué des mouvements pour le moins étranges à Cindervale.
Clementine frémit en entendant ce nom. Que pouvait-il se passer là-bas ? Et si les alchimistes avaient attaqué la ville ? Et si les terroristes avaient pris possession de Cindervale ? Et si... ?
— Je souhaite que tu y ailles. J'aimerais que tu me fasses un rapport sur la situation.
— Sauf votre respect, je ne pense pas être la plus... à même à réaliser cette mission.
Clementine avait cru que Scarlett allait lui sourire et lui dire que non, elle en était capable, que c'était la raison pour laquelle elle lui avait confié la mission.
— Je sais, répondit du tac au tac la générale. Et c'est bien pour cette raison que je t'envoie là-bas.
— Je vous demande pardon ?
— Ce que j'essaie de te dire, c'est que ton incompétence nous aidera. Tu ne connais rien en espionnage. De ce fait, tu feras tout pour montrer aux alchimistes que tu travailles pour moi. Idiots comme ils sont, ils sortiront pour te capturer. C'est à ce moment que nous interviendrons. Pour les arrêter. La colonel Hammer est déjà prévenue. Elle saura quoi faire.
Clementine cligna des yeux, essayant de comprendre ce que venait de dire Scarlett.
— En d'autres termes... vous souhaitez que je fasse l'appât ?
— La formulation est moins élégante, mais c'est dans l'idée.
— Sympa...
Elle déglutit avec difficulté.
— Et quel est cette... information dont vous voulez me transmettre ? demanda la mécanicienne, la bouche sèche.
La question sembla faire tiquer la générale qui eut la décence de fermer les yeux. Quand elle les rouvrit, une lueur sombre brillait dans ses prunelles émeraude.
— Mes informateurs m'ont dit que Copperhelm était elle aussi la cible des alchimistes, fit-elle d'un ton calme.
Trop calme. Clementine mit un moment avant d'assimiler l'information.
— Copperhelm est... contrôlée par des alchimistes ?
— Je n'utiliserais pas le terme contrôler, mais des alchimistes renégats ont choisi la ville comme l'une de leurs base, c'est certain.
— Pourquoi vous ne voulez pas qu'Eleanor sache ça ?
— Pennington est ici pour une mission pour le moins... différente. Disons que son rôle à jouer n'intervient pas maintenant. Nous voulons simplement la protéger pour qu'elle puisse réaliser ladite mission. Il est hors de question qu'elle sache maintenant pour Copperhelm. Ce ne sera que contre-productif. Autant pour elle que pour nous. Avez-vous d'autres questions, Hazard ?
— Non, aucune...
— Parfait. Vous pouvez vous retirer. Nous partons dans trois heures. Soyez prêtes, toi et Pennington.
— À vos ordres, générale.
Scarlett répondit à sa déclaration avec un formel hochement de la tête.
Tant de questions martelaient l'esprit de Clementine lorsqu'elle referma la porte derrière elle. Et elle n'arrivait pas à se défaire de ce sentiment qu'elle était incapable de nommer. Elle avait l'impression d'avoir sauté dans un gouffre et cette sensation ne lui plaisait pas du tout.
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Engrenages Sanglants I : Soldats De Cuivre
Science FictionChalkos, 1964. Depuis de nombreux siècles maintenant, les villes sillonnent les terres, montées sur leurs roues ou leurs ailes. L'ancien si puissant Royaume-Uni n'est plus que quatre contrées où proies et prédateurs se poursuivent. Devenue une dicta...