Chapitre 1

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C'est le matin, de bonne heure, quand le soleil commence à caresser tendrement mon visage que ma servante me réveille. Elle ouvre les rideaux qui entourent mon lit et me fait passer à la salle d'eau. Elle prépare mon bain puis me déshabille. Ses mouvements fluides sont nés de l'habitude de s'occuper de moi. Elle me couvre le visage d'un fin voile le temps de ma toilette, puisque personne ne doit me voir découverte. Agnès est aveugle et c'est pour cette raison que c'est elle ma femme de chambre. Elle ne peut pas apporter la souillure à me voir ainsi nue.

J'entre toujours dans le bain en poussant un soupir de bonheur. C'est l'heure du matin où je profite d'une solitude et d'un calme que trop rare dans ma vie quotidienne. L'eau parfumée aux roses me relaxe toujours. J'aime aussi le silence d'Agnès qui me lance un moment tranquille avant de commencer à me laver. Elle est délicate et tendre, bien que nous parlions peu, pour rien au monde je n'échangerais sa présence contre quelqu'un d'autre.

Je ne lui parle pas, ma mère me répète que les servantes seraient du genre à répéter le moindre de mes secrets. Je ne considère donc pas Agnès comme mon amie, ou une alliée, de crainte à ce qu'elle se serve d'une façon ou d'une autre de mon pouvoir et mon influence.

Après ce moment de complétude et de détente, je sors du bain et je retourne à ma chambre où une armée de femmes s'occupe de moi. Elles me font porter un épais voile noir sur le visage et des vêtements sombres, qui cachent la moindre parcelle de peau. À ce moment-là, Agnès a déjà quitté la pièce.

Elles peignent mes longs cheveux noirs et les coiffent pour qu'ils soient dissimulés sous mon voile. Elles discutent des prérogatives du jour et de comment on devrait m'habiller le lendemain :

« Demain, c'est la Fête de la Bénédiction ! J'espère que la robe sera prête. Le couturier travaille dessus depuis des mois, et il refuse que des gens y jettent un œil.

—J'espère surtout qu'elle sera facile à mettre ! se plaignit une autre. L'année dernière, il nous a fallut deux heures juste pour la mettre !

—À qui le dis-tu ? Je te rappelle que sous la robe de l'année dernière, il y avait trois jupons !

—Et le corset ? C'est toi qui as dût le lacer ? »

La porte s'ouvre et laisse voir ma mère qui observe la scène, la tête haute. Les servantes se hâtent, elles n'aiment guère traîner dans les parages quand ma mère est là ... j'ignore pourquoi elles sont aussi effrayées de sa présence.

Agnès ne m'avait pas répondu quand je le lui avais demandé, certainement de crainte que je répète ceci à ma mère.

Elle a l'air noble dans sa toge de Grande Prêtresse et avec ce fin voile qui tombe sur les côtés de sa tête. Elle affiche un air sévère que je suis habituée à voir.

Une fois les servantes parties, elle se permet un sourire et se poste derrière moi. Elle pose sa main sur mon épaule :

« Tu es magnifique, mon enfant. As-tu révisé tes prières, et ton discours pour demain ? La populace attend avec impatience la fête de demain. On les attend par centaine sur la place publique.

—Oui, Mère. J'ai fait ce que vous m'avez demandé.

—Ces maudites servantes devraient apprendre à se taire, en ta compagnie. C'est de ta faute si elles jacassent autour de toi. En tant que future Grande Prêtresse ...

—Vous me l'avez déjà dit, Mère, coupa la jeune femme.

—Il est inutile de me répondre aussi froidement. Tu dois apprendre à être ferme, et dure. Ces femmes ... elles ne te respectent pas, et ne te respecteront jamais si tu continue à être aussi gentille. Que t'ai-je dit sur la gentillesse ?

Le Soleil noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant