Chapitre 3

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Alexei avait enfin le plaisir de profiter un peu des festivités. Des années qu'il n'avait pas pu se balader, vêtu simplement, tranquille et anonyme, dans les rues animées de la capitale. Dans les faits, il y avait sûrement quelques gardes du corps qui le tenaient à l'œil de loin, mais il faisait mine de rien, content de pouvoir faire un peu semblant d'être un homme du peuple.

C'était apaisant. Il aimait bien. Pouvoir marcher sans que tout le monde ne se sente obligé de se plier en deux à sa vue était extrêmement reposant.

L'ambiance était joyeuse. Partout, des artistes de rues, jongleurs, dresseurs d'animaux, magiciens... Partout, des enfants riants, des provinciaux émerveillés, des citadins enchantés...

Beaucoup de commerçants avaient monté des petits comptoirs devant leurs boutiques pour l'occasion. On vendait des souvenirs, des ex-voto bien sûr, des bijoux, un peu tout et n'importe quoi et à manger, évidemment. Ce n'était pas les bonnes odeurs, sucrées ou épicées, qui manquaient dans l'air.

L'après-midi s'avançait et à force de fumets alléchants, l'estomac du prince finit par lui signifier que ça lui faisait bien envie, tout ça. Alexei se tâta le ventre. Manger avant l'office serait bienvenu pour que son estomac n'y participe pas trop. Il avait tendance à être très bavard quand il était vide...

Mais quoi donc choisir...

Dubitatif, le prince reprit son chemin, s'arrêta brusquement pour laisser passer cinq bambins surexcités que trois adultes poursuivaient en vain. Il les regarda s'éloigner, profondément amusé, quand une odeur bien particulière l'alpaga, lui faisant tourner la tête d'un coup.

Snif snif snif... ?

Miel.

Alexei sourit.

Ses soldats ne l'appelaient pas « l'Ours » qu'à cause de sa férocité au combat.

Snif snif snif...

Suivant les délicats effluves, il finit par arriver devant un stand tenu par une vieille dame toute ridée et une adolescente, qui faisaient avec habilité des petits gâteaux au miel.

Hmmm miam miam.

Son air gourmand fit glousser la vieille qui l'interpella :

« Envie d'une p'tite douceur, monseigneur ? »

Il sourit et hocha la tête :

« Volontiers.

– C'est trois pièces de bronze le gâteau, lui dit l'adolescente, avec tout le sérieux qu'on pouvait avoir à cet âge.

– Mets-en une quinzaine, alors, merci.

– Ben t'as la dalle, toi ! rit encore la vieille.

– Eh, c'est pas ma faute s'ils sentent si bon, tes gâteaux !

– Ah ça, c'est qu'on sait y faire ! »

L'adolescente lui remplit un sac en papier avec soin. Il lui jeta une pièce d'argent et lui dit :

« Merci et garde la monnaie. »

Et il partit en faisant semblant de ne rien entendre quand elle l'appela pour lui dire qu'il s'était trompé de pièce.

Il reprit son chemin en commençant à manger et soupira, tout rose et tout sourire. C'était délicieux...

Un certain nombre de gardes patrouillaient, à pied ou à cheval, car l'Équinoxe était aussi un grand moment pour les voleurs des rues. Pas que la maréchaussée puisse tant contre eux, ces bandes étaient discrètes et très bien organisées. D'ailleurs, ils se faisaient un point d'honneur à ne pas déranger plus que ça. Une guilde très puissante régnait dans les ombres. Alexei le savait, il avait quelques pions chez eux, tout comme, il en était parfaitement conscient, eux-mêmes en avaient au château. C'était de bonne guerre et, contrairement à certains, Alexei était conscient de la nécessité de laisser ces personnes gérer les trafics tant qu'elles le faisaient proprement. Certains voulaient la disparition de la guilde, pas lui. Il préférait de loin une guilde avec un code d'honneur strict, qui tenait ses troupes et régulait les activités illégales, que laisser ces dernières à des bandes sans foi ni loi.

Sur les traces d'une louve blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant