Chapitre 5

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La soirée avançait et Scalys, installé pour manger tranquillement dans un coin tranquille, regardait l'assemblée avec la même indifférence polie que d'habitude.

Il avait vraiment du mal avec la Cour et ses fêtes hors de prix. Pas qu'il y ait tant de misère à Jayawardena, la population de la capitale était plutôt protégée. Même dans ses taudis, il était rare qu'on meure de faim. Mais, ayant vécu ses premières années dans les bas-fonds d'Oliasburg, puis passé presque huit ans dans les quartiers populaires de Krasnyles, ville assez pauvre, perdue au centre de la Forêt du Nord, à la limite des territoires barbares du ponant, il avait côtoyé la misère plus qu'il n'en fallait. Donc, même s'il savait que les nobles présents n'étaient pas tous des inconséquents irresponsables, il y en avait quand même trop pour lui dans l'assistance.

On mangeait bien dans ces fêtes, c'était toujours ça, et heureusement, les restes étaient distribués aux plus nécessiteux, via les gens de la Vieille Caserne, l'autre grand orphelinat-dispensaire de la capitale. Le Grand Temple et eux étaient en relation régulièrement. Scalys les aimait bien.

Il avisa Danil, non loin de lui, qui faisait son beau, entouré d'une dizaine de nobles, surtout de dames, et soupira.

Scalys n'avait rien contre le Culte du Soleil. Il avait d'ailleurs plutôt eu de bonnes relations avec son Grand Prêtre précédent, pour le peu qu'il l'avait connu, et aussi la prêtresse qui était un temps pressentie pour lui succéder, Olga. L'élection de Danil avait un peu surpris tout le monde, mais il n'y avait pas eu de contestation. Depuis, six ans avaient passé et, à part resserrer son emprise sur son ordre, traditionnellement plus égalitaire, en nommant ses proches, uniquement des hommes, d'ailleurs, aux postes les plus prestigieux, et faire de grands discours démagogiques pour se rendre populaire, Danil n'avait pas fait grand-chose.

Scalys désapprouvait, mais, n'ayant aucune possibilité d'agir là-dessus, il ne pouvait guère faire plus que surveiller tout ça.

Il avait en tout cas à cœur, comme Athanaios, d'être attentif à ce que la parité reste une règle stricte dans l'Ordre de la Lune, même si dans les faits, très peu de voix s'élevaient contre dans leurs murs.

Ayant fini son assiette, le jeune homme se releva pour aller chercher autre chose. Il avait encore faim, ce qui était souvent le cas quand il était fatigué. À croire que ce pénible accouchement l'avait épuisé plus qu'il ne le pensait...

Il arrivait au buffet lorsque le héraut annonça enfin le roi.

La salle se tut et tout le monde se tourna et s'inclina avec respect et plus ou moins de sincérité.

Le souverain, entouré comme toujours de plusieurs gardes de corps bien équipés et très vigilants, regardait tout autour de lui, mal à l'aise d'être ainsi au centre de l'attention, craignant sans doute aussi que des assassins ne jaillissent de derrière les tentures pour se jeter sur lui.

Alexei, toujours auprès de son épouse et de ses amis, fit la moue, désolé, et regarda avec un petit sourire Marcus s'approcher de Piotr, s'incliner légèrement et, un peu plus tard et alors que les conversations reprenaient timidement, l'entraîner vers le buffet.

Piotr sursauta en voyant Scalys qui resta immobile et inclina la tête. Il entendit Marcus, après une mimique lasse, murmurer au roi :

« C'est Scalys, le fils adoptif d'Athanaios...

– Ah. Oui... C'est vrai. »

Scalys recula lentement, leur laissant la place. De toute façon, son assiette était pleine et Piotr lui semblait bien trop nerveux pour son bien.

Sa paranoïa n'avait pas l'air de s'arranger...

Scalys rejoignit son père en le voyant assis dans un confortable sofa.

Sur les traces d'une louve blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant