Chapitre 03

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Benoît se leva comme il le faisait tous les matins : avec des cernes sous les yeux, seuls témoins de ses nuits répétées à bingewatcher des séries coréennes sur des plateformes de streaming dont il piquait le code à un pote. Il n'avait même pas le luxe de se payer un abonnement lui-même. Chaque euro était dédié aux paiements des charges fixes et à sa nourriture quotidienne : des nouilles instantanées à quelques dizaines de centimes le paquet.

Faut dire que le métier de détective privé, ce n'était plus ce que c'était. Bien qu'il soit le seul à proposer ses services dans ce département d'Occitanie, les clients n'affluaient plus devant la porte de son petit appartement pour lui demander divers services.

Alors qu'il brancha son rasoir dans la prise adjacente au miroir et qu'il se fit une beauté, il se mit à penser que même les missions dans lesquelles il devait trouver le mistigri de Mamie Jojo lui manquaient. Et celles où il devait retrouver la énième fille cachée née par adultère le rendaient nostalgique.

C'était dingue, à quel point ces mêmes services, qu'ils haïssaient hier, étaient devenus des sources de doux souvenirs aujourd'hui. Poursuivre un oiseau fuyard dans toute une ville stimulait plus son adrénaline que de modeler son sofa avec la forme de son derrière.

Ah, qu'il donnerait cher de sa peau pour suivre en filature une épouse infidèle ! Pour attendre, parfois des heures durant, qu'elle embrasse l'amant illégitime pour qu'il puisse récupérer des preuves incontestables ! Le frisson de l'excitation pulsait dans ses veines, quand il suivait en voiture ses cibles en essayant de ne pas se faire remarquer.

Benoît débrancha son rasoir, et observa sa mine dans la glace. À quoi bon se faire beau aujourd'hui ? Il y avait peu de chance que l'on sonne à sa porte.

Il se passa de l'eau sur le visage, puis dégagea ses bouclettes brunes lui obstruant la face. Il rangea sa machine dans l'armoire, puis se déshabilla. Des bras aux muscles entraînés s'échappaient de son peignoir. Des muscles qu'il préférerait utiliser dans une danse mortelle et enflammée.

Bien que les missions anodines lui manquassent, l'idéal était de retrouver les frissons de la mission qu'il lui avait value de perdre sa réputation. Ça lui avait coûté cher, mais la jouissance qu'il en avait retirée en valait presque la chandelle.

Benoît serra les dents.

Il avait besoin de bouger. D'action. Maintenant.

Il s'habillait des mêmes chemises et pantalons sombres qu'il avait l'habitude de porter, lorsque l'on sonna.

— Ah, dit-il en premier lieu.

Puis, lorsque l'illumination le frappa :

— Ah ! J'arrive !

Ce doux son... Il ne l'avait pas entendu depuis des semaines.

Le détective déchu sortit de sa chambre, et traversa le long de son appart qui faisait aussi office de bureau. Des cravates, chaussettes, et restes de popcorn jonchaient la pièce. Il se maudit d'avoir laissé des habits sales et autres traces de ses soirées streaming dans son lieu d'exercice. Mais bon, pas le choix. Un client, c'était une chance inespérée ! Il trouverait une excuse plausible pour tout ce bazar. Après tout, c'était son métier de trouver des mensonges blancs lorsqu'il se trouvait dans de beaux draps.

Il faillit trébucher sur une chaise couchée au sol, atteignit la poignée de porte, puis l'ouvrit de toutes ses forces.

Dehors... Personne. Il s'était attendu à ce qu'un être humain se tienne devant lui, mais le regard qu'il croisa fut celui du vent qui lui chatouilla les boucles. Autour de lui se trouvaient les mêmes maisons, les mêmes trottoirs et les mêmes poubelles. Les mêmes champs, qui constituaient ses voisins de devant, le saluaient par le mouvement des blés.

Nos dernières heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant