Chapitre 06

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Les policiers s'en allèrent avec Maman. Ils l'emmenèrent loin d'elle, et la laissèrent de nouveau seule.

Bien qu'elles venaient de se disputer, Maman représentait toujours sa lumière et son phare dans la vie. Ne pas la voir, et pire, ne pas savoir quand elle rentrerait, c'était la pire punition qu'on aurait pu lui donner.

Les servantes s'affairèrent autour d'elle, l'attrapèrent par les aisselles et la menèrent à sa chambre.

Élisa avait mal à la tête. Élisa perdait l'équilibre et ne parvenait pas à penser de façon claire et raisonnée. Élisa perdrait connaissance à tout moment.

Les femmes babillèrent sans faire attention à leur volume.

— Pauvre enfant !

— Je suis désolée de ce qui vous arrive.

— Je n'arrive pas à croire à ce qui vient d'arriver. Dire que la maîtresse était... !

— Je le savais. Dès qu'elle est revenue, j'avais vu comment son regard avait changé.

Tout devint flou, et Élisa tomba dans un profond sommeil.

Le repos fut doux, et lui fit l'effet d'une pause enfin prise après une dure journée de travail. Pour une fois, elle pouvait se reposer de tout stimulus extérieur, ainsi que de ses propres émotions qu'elle n'arrivait pas à distinguer de tout ce bruit.

Elle dut dormir pendant plusieurs heures, car quand elle ouvrit les yeux et retrouva ses cinq sens, elle trouva la lumière lunaire passer à travers ses fins rideaux.

Élisa lança un regard à son horloge murale : il était deux heures du matin. On l'avait changée dans sa robe de nuit et emmitouflée dans ses couettes.

Les domestiques avaient voulu bien faire en la couvant de bonne attention.

Mais...

— Où est Maman ?

Personne n'était dans sa pièce pour lui répondre. C'était plus une question qu'elle se posait à elle-même, comme pour clarifier sa pensée.

Dans le meilleur des cas, tout ce qu'elle a vécu dans la journée d'hier ne s'était jamais passé, et elle avait fait un mauvais rêve. Mamie ne s'en irait jamais, Maman n'avait pas fait de crise de nerfs, sa famille n'avait jamais péri dans un incendie criminel provoqué par sa propre mère, sa tante Pervenche n'était pas revenue des morts et Élisa n'était pas laissée sur le banc de touche.

Dans le pire des cas, elle devrait vivre l'après « Bad End » que l'on oubliait habituellement après une partie de jeu vidéo.

Elle n'était plus sûre de rien. Le sentiment de plénitude donné par le monde des doux rêves se faisait progressivement dévorer par une boule de plomb déposé dans son estomac.

Élisa jeta la couverture, descendit du lit puis enfila ses chaussons.

Elle saisit la poignée, prête à découvrir si derrière la porte, l'avenir comptait déchirer ses espoirs ou les conserver intactes.

Derrière la porte se cachait un couloir sombre, parsemé de taches de rayon de lune. Pas une âme ne s'affairait dans la demeure ; tout le monde dormait à point fermé.

Parfait. Pour vérifier que sa mère soit bien dans son lit sans qu'on vienne lui demander quoi que ce soit, il valait mieux qu'elle soit la seule éveillée en ces lieux.

La chambre de Maman se trouvait un étage au-dessus d'elle. En tant que maîtresse de maison, elle devait avoir la meilleure place symbolique. La suite parentale était la seule chambre capable de remplir ce rôle.

Nos dernières heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant