Chapitre 18

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Yilai. Apprends à éliminer la malveillance. Réincarne.

La figure de l'ombre épousa le corps d'Élisa, et envahit son cerveau. La victime se laissa dévorer.

Elle se retrouva dans le lit de feu sa tante.

Le plongeon s'était déroulé comme prévu. Elle était bel et bien en mars 2007, près des côtes de l'Île-aux-Fleurs.

Les mêmes deux valises positionnées contre l'armoire, le même miroir, les mêmes rideaux opaques de sa première incarnation l'accueillaient.

— Me revoilà, leur dit-elle en les saluant d'un mouvement de bras. Vous ne m'avez pas vraiment manqué. Argh, j'arrive pas à croire que j'ai signé pour ça...

Évidemment, le mobilier ne s'offensa pas de son « bonjour » impoli.

Élisa lança un coup d'œil à la partie du lit collée au mur. Dans un couple, il y en avait toujours un qui préférait se retrouver en dehors. Cette personne semblait être Pervenche.

Le matelas, tout comme la dernière fois, portait les traces d'un corps qu'elle n'avait jamais vu. Le corps d'un de ses plus grands suspects.

— Péri, j'espère que ton chéri n'a vraiment rien à voir avec cette affaire. J'ai mal pour toi. J'imagine que tu ne dois pas trouver ça amusant que je me concentre sur lui ?

C'était étrange de voir, à deux centimètres d'elle, les preuves de l'existence d'une personne qu'elle n'avait qu'indirectement connue. Pourtant, il ne se trouvait pas à cinq cents kilomètres ; il devait être tout près. Il suffirait de le retrouver et de confirmer son innocence pour que l'âme de sa tante puisse reposer en paix. Cependant, cela enchaînerait définitivement Virginie dans le rôle de la coupable.

— Où es-tu, fichu avocat ?

Elle se pencha sur les draps et huma les formes creuses.

Une douce odeur de musc et de mâle lui embauma les sens. Pervenche retrouva les phéromones exquises de son amant, qui lui manquait déjà.

Élisa se redressa et se boucha le nez.

Elle fixa le vide devant elle, le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer. L'espace d'un instant, elle avait eu l'impression d'être devenue Pervenche elle-même. C'était comme si son esprit et son corps s'étaient enfin réunis, pour former l'image parfaite d'un passé révolu. Elle secoua la tête pour se débarrasser du choc.

Elle avait aimé l'odeur. Non, ce n'était probablement pas la meilleure manière de le phraser : le corps de Pervenche avait adoré sentir l'odeur de son fiancé. Ses neurones et ses sensations viscérales avaient dépassé le spectre de la mort pour lui montrer que cet aspect d'elle était bel et bien vivant.

— Est-ce que... tu as déjà fait ça ? demanda-t-elle à l'intention du fantôme.

Évidemment, l'esprit de sa tante ne lui répondit guère. Pourtant, Élisa avait comme la petite impression que ce n'était pas la première fois que la jeune femme se languissait de son compagnon ainsi. Ce qui ne pouvait pas être possible chronologiquement. Si elle se souvenait bien, Virginie lui avait fait comprendre la première fois qu'ils n'avaient jamais partagé un lit avant.

— Cela signifie donc...

Que tante Pervenche avait déjà bel et bien commis cette action. Et que cette dernière s'était déroulée ce jour même.

— Autrement dit, je viens de faire exactement ce que toi tu as fait ce jour-là.

Des frissons lui parcoururent l'échine. Morbide, comme expérience.

Nos dernières heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant