Chapitre 05

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Elle quitta Elda et se mit à la recherche de sa mère. Dans cette énorme maison, Maman se trouvait généralement soit dans son bureau, soit dans le salon. Paradoxalement, malgré le nombre de pièces, elle semblait préférer ces mêmes cocons confortables et familiers.

Élisa devait avoir hérité de sa facette casanière.

Après avoir cherché sans succès dans son bureau, elle la retrouva dans la pièce à vivre, un verre de vin dans la main et un regard vague dans les yeux.

Elle s'était couchée sur le canapé, pied nu. Élisa débarquait dans son petit monde à elle, dans cette bulle qui renfermait tant de secrets et de souvenirs enfouis.

Leur salon, une pièce aux doubles vitres laissant entrer le soleil, donnait sur une terrasse et sur le jardin magnifiquement entretenu. C'était parfait pour se ressourcer. Il ne manquait plus qu'un solo de jazz soit joué sur la chaîne Hi-fi pour que le tableau soit complet.

Pour une fois, sa mère semblait en paix. Elle réfléchissait paisiblement à la marche à suivre, et diluait sa tristesse dans la boisson couleur bordeaux.

Élisa mit un pied dans le salon, consciente que ses futures questions dérangeraient l'ordre des choses dans l'esprit de sa mère, et qu'un ouragan de panique viendrait agiter son âme.

C'était cruel de sa part. Malheureusement, elle n'avait pas le choix. Elle devait trouver les réponses à ses trop nombreuses interrogations.

Élisa hésita un dernier instant avant d'ouvrir la bouche :

— Maman. Il faut qu'on parle.

Elle enchaîna la suite de mots maudits qui, à coup sûr, ruinerait la bonne humeur de quiconque avait le malheur de les écouter. Les auras des couples qui se le disaient, notamment, pourrissaient de la pire des manières.

Avec Anne-Claude, cela n'y coupa pas. Ses épaules se tendirent, et elle serra son verre de cristal.

C'était une habitude à elle, de se tendre et de serrer ce qu'elle avait en main dès qu'elle était contrariée. Contrairement aux auras que seule Élisa pouvait voir, c'était facile à repérer pour un non-médium. Elle se demanda si ceux qui n'avaient pas ses pouvoirs à elle pouvaient comprendre la richesse interne de ceux avec qui ils interagissaient sans qu'ils aient à les leur expliciter.

Probablement pas. Sinon, le monde irait mieux.

— Qu'y a-t-il, Lili ?

Elle se redressa puis tapota le siège à ses côtés. Élisa refusa en secouant la tête et ses lourdes ondulations. Il valait mieux créer de la distance pour une telle discussion.

— Maman. J'ai cherché des informations sur notre famille. J'ai essayé de trouver des réponses sur mon PC, puis sur mon téléphone, mais quelque chose de bizarre s'est passé.

Elle entendit la porte toquer, mais ne s'en inquiéta pas. Une domestique viendrait ouvrir la porte à un moment ou à un autre. Élisa soupira ; l'invité aurait tout de même pu choisir un meilleur moment pour se manifester.

— Quoi donc ?

— Ni mon ordi ni mon téléphone n'ont été capables de me dire quoi que ce soit. C'était comme si... comme si certaines informations étaient bloquées. Et je me dis que tu...

Elle s'arrêta en plein milieu. Ce n'était pas la meilleure idée de lui dire directement qu'elle la suspectait d'avoir manipulé ses appareils numériques et d'ordonner les domestiques de la garder dans le noir. Il valait mieux vérifier que Maman n'avait rien à voir dans toute cette histoire et qu'il ne s'agissait qu'un bug avec une énorme coïncidence.

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