Chapitre 29

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Benoît avait pris congé de son témoin, et fonçait maintenant vers une destination qu'il lui semblait beaucoup plus clair qu'au début de son enquête.

Li Montval.

C'était le nom du petit fils de Charles Montval, et du fils d'Henri-Charles Montval.

Après avoir perdu tout espoir d'avoir une famille heureuse et réunie, le jeune homme avait décidé de mener son enquête tout seul.

Il trotta dans les rues pavées du centre-ville, à la recherche d'un arrêt de tram pouvant l'emmener plus loin.

Quand son grand-père parlait de bruit, il voulait sûrement parler de la une des journaux actuels et de son implication dans la fabrication de ces nouvelles.

Évidemment, le porteur du message, c'était lui-même. Mais le petit Montval était probablement la main derrière la plume de la lettre. La question était : comment avait-il pu avoir ces notes ? Et pour quelle raison avait-il fait publier ces écrits ?

Pour répondre à la première question, il faudrait retracer l'itinéraire des notes.

Benoît aperçut un tram déjà à quai, les portes grandes ouvertes. Sans attendre, il courut en sa direction. Le train sonna le glas de départ, mais cela ne découragea pas le détective. Il en avait vu d'autres, bien plus dangereuses et excitantes que de monter dans un train qui manquait d'écraser ses deux portes contre soi.

Il bondit dans la voiture, qui clôt ses accès sur un morceau de sa veste. Il n'eut plus qu'à la libérer de la porte, et le voilà prêt à partir.

Les notes de Pervenche Duveyrier devaient avoir nécessairement été rédigées le 31 mars 2007, dans l'Île-aux-Fleurs. Ça, c'était un fait établi. La suite des évènements n'était pas aussi claire.

Selon des rumeurs à la suite de la publication des journaux, la jeune fille aurait jeté les notes dans une bouteille à la mer, et elles auraient été repêchées sur les côtes bretonnes. Une bouteille aurait-elle pu rejoindre les côtes aussi aisément ? Si l'on parlait de réalisme, la grande majorité des bouteilles jetées à la mer n'étaient pas retrouvées. En fait, en retrouver une était un miracle, purement et simplement.

Bien que la possibilité d'un miracle ne pût pas être écartée, il devait avoir des manières plus classiques et plus simples de transmettre un message d'une île déserte à la côte.

Benoît utilisait le rasoir d'Occam pour former ses théories. La majeure partie du temps, ce principe lui garantissait des hypothèses se révélant exactes.

Par exemple, une façon toute simple de le faire était de faire appel à un intermédiaire. À un messager.

Et qui, de vivant, aurait pu faire passer le message ? Anne-Claude Duveyrier, la seule survivante du massacre.

Mais si l'on supposait que c'était Anne-Claude la messagère, il faudrait aussi supposer qu'elle n'avait jamais lu le contenu de la bouteille. Si elle avait vu qu'on l'accusait du meurtre, elle l'aurait probablement jeté à la mer, et la bouteille aurait rejoint les milliers de prédécesseuses abandonnées avant elle.

Elle serait donc revenue en Occitanie avec une bouteille à la main, et plus de famille. Pour que les notes se retrouvent dans les mains de Li Montval, il faut nécessairement qu'elle le donne à quelqu'un. Et ce quelqu'un était probablement un Montval, lui aussi.

Benoît surveilla le prochain arrêt que le tram prenait. Il descendrait ici pour une correspondance.

— Et si elle avait confié la lettre à Charles, qui avait perdu son fils et sa bru ? murmura-t-il. Elle n'aurait pas gardé la bouteille parce qu'elle provoquait des cauchemars et des souvenirs qu'elle préférerait oublier.

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