David passe un long moment sous la douche. Pour la première fois depuis cinq ans, il n'a pas à partager ce moment. Il a d'ailleurs du mal à se faire à cette idée. Durant la journée, trop occupé, trop sollicité, il n'a pas vraiment eu le temps de penser à cette nouvelle vie qui commence. Là, seul dans sa salle de bains, il se rend enfin compte qu'il est... libre ! Du moins en apparence. Une certaine angoisse le ronge. Bien qu'il n'y ait quasi aucun risque, il a fermé la porte de la salle de bains à clé. Et il se douche rideau ouvert, pour surveiller constamment ses arrières. Il se souvient de la première fois qu'il s'est lavé en prison, au milieu de tous les autres détenus. Il se faisait plein de films sur ce qui risquait de se passer, aucun des scénarios lui venant en tête – à cause d'Hollywood – ne s'est réalisé. Même s'il n'a jamais été totalement serein, personne ne s'est approché de lui, personne n'a essayé d'abuser de lui, il n'y a jamais eu de bagarre sous les douches. Mais il fallait quand même sans cesse rester sur ses gardes. Et cette habitude, il ne sait pas quand il va la perdre. Pour l'instant, il n'est pas rassuré de se retrouver seul.
Il ressort de la salle de bains, serviette autour de la taille, croisant rapidement le miroir. Il n'a pas encore envie d'affronter trop longtemps son reflet. Il faudrait qu'il achète une balance, pour savoir combien il pèse. L'idée du résultat qui s'afficherait lui fait un peu peur. Il suffit de regarder, il n'a plus que la peau sur les os. Il va falloir qu'il remédie à cela. Mais il a déjà beaucoup de choses auxquelles penser, beaucoup à faire. À côté du lit, il a posé un petit carnet et un stylo. Sans cesse, il y écrit les tâches qui lui traversent l'esprit, il y a pas mal de matériel à acheter, tout en fait. Et en priorité un oreiller et des draps, puisque le lit est encore à nu. Ce qui le fait sourire tandis qu'il s'allonge. Même sans le confort que l'on exige dans le monde libre, ce lit est déjà bien plus luxueux que la simple planche de bois sur laquelle il a dû s'habituer à dormir. Il n'a pas réussi pendant des semaines, puis finalement le sommeil l'a emporté et il a cessé de se plaindre intérieurement de cette planche rudimentaire. L'humain s'habitue à tout, surtout quand il n'a pas le choix. Maintenant, il peut retrouver une vie dans laquelle les standards du confort sont bien plus exigeants.
Dix-neuf heures, David se réveille brutalement, en sueur. Le cauchemar qui le tire de sa sieste a été éprouvant. Il ne s'en souvient plus précisément, sa mémoire n'a conservé qu'une désagréable impression de terreur. Il était en quelque sorte de retour dans la prison, une vision récurrente. « En quelque sorte » parce que dans son cauchemar, cette prison était vide, il était seul, dans un espace lugubre, humide, inquiétant. Et puis il y avait ces voix, celles des codétenus. Ils n'étaient pas là. Il ne s'agissait que de présences invisibles, se contentant de l'insulter, de le menacer, parce qu'il a réussi à sortir et qu'eux passeront sans doute le restant de leurs jours dans cette prison. C'est peut-être la destinée qui l'attendait aussi, mais quelqu'un a dû faire en sorte qu'il soit libéré. Peut-être sa famille ? Ils ont certainement soulevé des montagnes pour que les autorités interviennent. Des manifestations, des articles dans les journaux, des passages à la télévision... Il faudra qu'il cherche. Il devrait déjà les avoir recontactés, mais il n'est pas prêt. Ce n'est que sa première journée et il se réhabitue à peine au monde qui l'entoure. Il ne veut rien brusquer. C'est une nouvelle vie, une chance unique de recommencer du bon pied. Il ne veut rien gâcher.
– J'arrive !
On frappe à la porte depuis quelques minutes. Un instant il a cru que c'était un reliquat de son cauchemar, mais non, il y a bien quelqu'un.
– Salut, t'es prêt pour aller au café ?
David se contente de baisser les yeux. Il est encore simplement avec sa serviette autour de la taille. Non, de toute évidence il n'est pas prêt. Peut-être qu'en 2023 on peut se promener en combinaison moulante dans les rues sans que cela ne choque personne. Mais il semble peu probable que les autres acceptent de la même manière un homme se baladant en serviette de bain. Enfin, d'après ce qu'il a pu observer, tout semble possible.
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Près de minuit
FanfictionDavid se voyait archéologue, son enthousiasme l'a conduit à profaner le passé. Maryline a ouvert sa librairie-café thématique, une fiction devenue réalité. Pascal a une vie parfaitement réglée, que rien ne devait venir troubler. Ils ne se connaiss...