Près de minuit

15.

La limousine s'arrête devant le café Cat's Eye. Pascal fait les cent pas sur le trottoir. Ils ont besoin de se réunir pour débriefer tout de suite, à chaud, impossible que chacun retourne dans son appartement. Ils cogiteraient inutilement toute la nuit. Maryline et l'informaticien s'installent à la table habituelle, tandis que David sert le café.

– Bon, on peut dire que nous avons réussi notre mission, L'œil-de-chat est localisé.

– Tu as pu tout enregistrer ?

– En haute définition, ces lunettes sont une petite merveille.

– Et donc tu as bien confirmé qu'il s'agit de ce que nous cherchions.

– Sans aucun doute possible. Les mesures correspondent, ce serait quand même incroyable que quelqu'un ait réussi à reproduire ce joyau à l'identique, surtout qu'au cours de son histoire il est principalement resté caché aux yeux du public.

– Il manque quand même un détail important.

– Je sais, la coulure d'or. Mais comme tu le disais, David, c'est peut-être simplement dû au fait du placement de l'œil sur son socle, la coulure serait masquée.

– Monsieur Ducreux ne semblait pas vraiment s'émouvoir devant cette œuvre d'art.

– D'après ce qu'on a pu comprendre, c'est madame qui voulait qu'elle soit posée là et ce n'est pas un hasard.

– Pourquoi ?

– Tu n'as pas ressenti une petite migraine quand tu étais dans cette pièce ?

– Si, maintenant que tu le dis. Des maux de tête qui ont cessé dès que j'en suis sorti.

– J'ai dû augmenter la fréquence des ondes cellulaires pour pouvoir rester connecté à tes lunettes.

– Tu as pris le risque de me filer un cancer du cerveau ?

– Cela n'a duré que quelques minutes. Tu as plus de risque de faire une cirrhose, vu tout le whisky que tu t'es enfilé.

– J'étais pleinement dans mon rôle.

– Il y en a au moins un qui a profité de sa soirée.

Maryline pose bruyamment sa tasse sur la table, pour faire cesser ce début de querelle.

– Pourquoi avoir dû intensifier les ondes, Pascal ?

– Eh bien, la pièce dans laquelle monsieur Ducreux conserve ses meilleurs whiskys, et donc L'œil-de-chat, est en réalité un gigantesque coffre-fort. Les murs, comme la porte, sont blindés. De plus, cet espace est bourré de capteurs, impossible d'y entrer sans déclencher une alarme.

– Ils ont parfaitement conscience de ce qu'ils possèdent.

– Monsieur se préoccupe de ses alcools, mais madame, oui, elle connaît parfaitement l'importance de L'œil-de-chat. Maryline, tu as pu admirer des œuvres impressionnantes, la plupart sont mêmes recherchées depuis plus de cinquante ans par tous les musées du monde. Mais ces tableaux et sculptures ne bénéficient que d'un système de sécurité de base. Là où se trouve L'œil-de-chat, c'est un bunker.

Le téléphone de David se met à vibrer. Un correspondant inconnu à cette heure ? Le suspense n'est pas très intense. Il décroche et enclenche immédiatement le haut-parleur.

« Félicitations à vous trois, vous avez parfaitement mené cette opération. Nous avons pu admirer vos prouesses en direct. »

– Vous avez réussi à pirater mon ordinateur ?

« Ce n'était pas nécessaire, Pascal, les ondes cellulaires sont assez simples à décrypter, nous pouvions donc avoir accès en direct aux images des lunettes. »