Près de minuit

12.

David s'extrait difficilement de son sommeil, se disant que c'est quand même mal fait, ce corps qui reste éveillé toute la nuit et qui ne s'endort que quelques minutes avant que le réveil ne sonne. En fait, il éprouve une certaine crainte à fermer les yeux. Depuis son retour les cauchemars se multiplient. Il pensait qu'ils allaient s'amenuiser au fil du temps, il essaie de comprendre pourquoi ils s'intensifient. Pour l'instant, il doit se préparer. Dans la salle de bains, il inspecte son corps grâce au miroir. Son objectif est de reprendre des formes, de sortir du cycle de la maigreur pour s'étoffer. Cela le fait sourire, il y a tant de gens qui sont obsédés par les régimes pour perdre du poids et lui il doit en prendre. Ce n'est pas plus simple, il s'agit de ne pas faire n'importe quoi. L'objectif n'est pas de devenir gros, à coup de McDo, mais bien de contrôler la prise de poids pour arriver à un résultat harmonieux. Internet regorge de conseils, mais David ne les apprécie pas trop. Si on y regarde de plus près, il y a tout et son contraire sur le réseau, difficile de savoir quelles indications suivre sans prendre de risque et surtout pour obtenir le bon résultat.

Les yeux grands ouverts, allongée sur son lit, Maryline est déstabilisée. Elle ne sait pas quoi faire. Pour la première depuis... elle ne s'en souvient même plus, elle n'a pas à se lever et se préparer pour aller ouvrir son café. Son employé se débrouille déjà bien, elle a pu lui déléguer cette responsabilité. Elle n'est pas mécontente de pouvoir profiter d'une grasse matinée, car les soirées sont désormais épuisantes. Les influenceurs d'Instagram ont vraiment du pouvoir. Il a suffi d'une photo partagée pour que l'engouement prenne. Ensuite, bien sûr, toutes les personnes venant dans le café ont multiplié les selfies partagés sur le réseau. L'effet boule de neige est bien lancé, son café vient de revenir à la mode, c'est l'endroit où il faut poser pour briller sur Instagram. Elle est heureuse, même si elle avait perdu l'habitude de travailler à plein régime. Elle qui hésitait à recruter, pour ne pas mettre ses finances en péril, est en train de se dire qu'il faudra au moins une personne en plus. Mais quelqu'un qui joue le jeu, qui représente l'une des deux autres sœurs Chamade.

Pascal, lui, reprend son programme habituel. Après son footing matinal, il se douche, petit déjeune puis s'installe devant ses ordinateurs. Il n'a pas grand-chose à faire, les commandes ont largement diminué. Il ne panique pas encore, mais il va falloir s'en occuper car sinon ses finances vont rapidement fondre, comme neige au soleil. Il ne connaît pas vraiment l'ennui, puisqu'une baisse d'activité lui permet de se perfectionner dans certains domaines. Il est évident que tout ce qui concerne la cybersécurité ou la mise en place de sites web est mouvant, change et progresse en permanence. Une grosse partie de son travail est de se mettre à jour. Et la mise à jour d'un cerveau est plus complexe que celle d'un ordinateur. Il s'intéresse plus particulièrement à l'intelligence artificielle, qui vient d'être mise entre les mains du grand public. Selon lui c'est une erreur, même une grosse arnaque. Le public prend cela pour un jeu et tout le monde s'amuse avec l'IA. Mais en fait, en jouant avec elle, les humains lui apprennent à se comporter comme... des humains, jusqu'au jour où ces derniers seront surpassés, totalement dépassés par leur propre invention.

David ne s'attendait pas à avoir autant de clients. Tout le monde ne peut pas passer ses soirées au café Cat's Eye. Beaucoup viennent donc dans ce lieu désormais à la mode le matin, avant de se rendre au travail. Pour boire cet excellent café dont on parle sur les réseaux. Il n'est pas peu fier d'avoir montré sa technique à Maryline et de constater que la majorité apprécie sa façon de préparer la boisson.

– Tout se passe bien ?

Quand Maryline arrive, il est quand même rassuré. Il est temps de préparer les sandwiches qui seront proposés à midi, c'est ce qui fonctionne le mieux. Mais aussi quelques plats pour celles et ceux qui veulent manger sur place. Ils ne peuvent pas se lancer dans de la haute gastronomie, au menu il y a principalement des croque-monsieur et des croque-madame, ce qui fonctionne quand même. Le rush commence vers treize heures et ne se calme que vers quinze heures, quand tous les clients sont partis, que la vaisselle est faite et que le café a été nettoyé.