Près de minuit

9.

Une fois les clients partis, David, Maryline et Pascal peuvent reprendre leur discussion.

– On sait que nous ne sommes pas réunis par hasard. Quelqu'un l'a voulu.

– Comment tu en es venu à cette conclusion ?

– Maryline ?

– Euh, oui, alors je résume. Pour ouvrir ce café j'ai eu l'aide d'une business angle. Elle est très sympa. C'est elle qui a eu l'idée du côté librairie avec les mangas pour attirer un public plus jeune et se différencier des autres cafés. Et puis, c'est elle qui a tout financé, donc je n'allais pas non plus la contredire. Je ne me suis pas vraiment méfiée, elle était tellement sûre de notre succès et moi j'avais envie d'ouvrir mon business au plus vite. La réalité c'est que nous n'avons même pas signé de contrat. Elle m'a juste dit qu'elle voulait un retour sur investissement dans cinq ans, ce qui m'a paru honnête, me laissant le temps de faire fructifier mon activité. Je ne savais pas qu'elle viendrait me demander un service entre temps.

– Elle est venue ici ?

– Non, je ne l'ai jamais rencontrée, enfin si, enfin je ne sais même pas à quoi elle ressemble. Tous nos échanges se sont faits par téléphone. Jusqu'à ce qu'elle vienne me parler directement au salon du manga.

– Donc tu l'as quand même bien vue.

– Elle a profité que je sois aux toilettes pour prendre place dans la cabine d'à côté. Je ne pouvais rien faire, à cause de mon costume, il faut un temps fou pour le remonter.

– D'accord, donc nous avons une personne très bien informée qui te surveille, qui sait exactement où te trouver. Mais qu'est-ce qu'elle t'a demandé comme service ?

– D'embaucher David.

– Pourquoi ?

Les regards se tournent vers lui.

– Je n'y suis pour rien.

– C'est quoi ton histoire ?

– Je...

– Allez, c'est toi qui affirmes que nous ne sommes pas réunis par hasard. Le but, maintenant, c'est de comprendre pourquoi, ce n'est plus le moment de se cacher des choses.

– Je sors de prison.

Les visages de Maryline et Pascal se referment.

– D'une prison chinoise.

Soudain, on peut percevoir un intérêt dans leur regard. Une prison française, ils auraient commencé à se demander s'ils ont en face d'eux un assassin, un violeur ou un terroriste. Évoquer la Chine suscite le mystère, c'est exotique !

– Prisonnier politique ?

– Pas vraiment, non.

– Arrête le suspense à deux balles, pourquoi on t'a mis en prison ?

– En 2018, j'ai eu la chance de décrocher une entrevue avec Ieoh Ming Pei. L'architecte de la pyramide du Louvre.

David précise, puisque tout le monde n'a pas la référence et ses interlocuteurs semblent soulagés de ne pas avoir eu à lui demander des précisions.

– La rencontre s'est passée dans sa résidence new-yorkaise. Je vous épargne les détails de l'entretien, il a duré deux heures. Après, j'en ai profité pour faire un peu de tourisme, je ne suis resté que quelques jours. Je pensais rentrer en France sans problème, mais à la frontière on m'a mis en état d'arrestation.

– Quoi ?

– J'ai présenté mon passeport et immédiatement, l'agent de l'immigration a lancé une alerte, cinq flics se sont jetés sur moi et j'ai été placé en cellule. Je ne comprenais pas ce qui se passait. On a fini par m'expliquer qu'un mandat d'arrêt international avait été émis contre moi.