David passe son ticket de métro, enfin il pose son smartphone sur la borne pour pouvoir franchir le tourniquet. La version papier du ticket disparaît doucement, pour sauver la planète c'est indispensable. Il se dirige vers le quai, déjà bondé, et attend les ordres. C'est toujours grâce aux lunettes conçues par Pascal que les trois complices peuvent communiquer et que l'informaticien voit l'ensemble de ce qu'il se passe. David va patienter, debout, puisqu'il n'y a pas beaucoup de bancs, laissant passer plusieurs métros. Son comportement n'étonne personne, les gens ne se regardent pas, ne s'observent pas ou, si quelqu'un le trouve suspect, il ou elle ne dira rien. Le métro crée une sorte d'ambiance de peur. L'objectif de chacun est de rapidement aller d'un point A à un point B, sans interagir avec ses congénères, en prenant garde de ne pas se faire voler ses affaires, de ne pas se faire frapper, insulter et d'éviter les attouchements. La règle est ainsi qu'on fuit tout contact visuel, il faut rester dans sa bulle, être le plus transparent possible, c'est une question de survie.
– David est en position.
Pascal regarde son écran pour voir où en est Maryline. Elle est en place sur le quai de la station Palais Royal – Musée du Louvre. Elle aussi bien remplie, peut-être surtout de touristes. Ils sont facilement reconnaissables, ils sourient !
– Tu te sens prête ?
La jeune femme inspire profondément. Elle ne sait pas du tout si elle sera capable de jouer la comédie. Se faire remarquer au milieu des usagers n'est pas une excellente idée. Elle sait que dans un premier temps ils ne paniqueront pas, ils seront juste énervés, parce qu'ils vont prendre du retard sur leur trajet. Son faux malaise risque même d'être ignoré, personne ne veut que le métro soit perturbé juste pour une personne, peu importe ce qu'elle a.
– Oui, je suis dans mon rôle.
Elle parle toute seule ? Ce n'est pas grave, elle ne risque pas de choquer les usagers. Les gens qui parlent seuls sont bien identifiés et entrent dans deux catégories : la folie, ou la personne qui téléphone. Il n'y a rien dont il faille avoir peur.
– Tu montes dans le prochain.
Maryline s'exécute. À cette heure-ci, monter dans une rame est un véritable parcours du combattant. Des centaines de personnes descendent. Derrière, des centaines d'autres poussent pour monter le plus vite possible. Peu ont compris qu'un flux descendant et ascendant simultané crée des bousculades et des bouchons. Elle est compressée contre les autres usagers, la chaleur augmente, les odeurs l'incommodent. Il ne sera pas difficile de jouer la comédie de la crise de panique. En fait, la plupart du temps les gens font tout pour ne pas céder et devenir dingues dans les transports en commun.
– On y est. Que le spectacle commence !
La rame de métro entre dans la station Louvre-Rivoli. À ce moment, Pascal coupe le courant. Le métro est immobilisé. La première réaction des usagers est de lever les yeux au ciel. Ils sont blasés. Une journée sans perturbation sur les lignes de la RATP, ce serait suspect, d'ailleurs cela relève de la science-fiction.
Sans être remarqué par personne, David accroche son badge à sa chemise, pour entrer dans le rôle d'agent de la RATP. Ce qui est assez risqué alors qu'une voix annonce la panne et un temps d'attente indéterminé. Il risque de se faire lyncher.
– C'est à toi, Maryline.
Dans la rame de métro, elle se met à hurler. On la regarde avec dédain. Elle fait mine de trembler, de transpirer. Les usagers font tout pour s'éloigner même si, lorsqu'on est comme des sardines dans une boîte, c'est difficile.
– Qu'est-ce que tu fiches ?
Elle devrait incarner la crise de panique, elle joue plutôt l'hystérie, mais ce n'est pas grave, l'effet est le même. La foule commence enfin à s'agiter. Cette femme pourrait devenir dangereuse. Qu'elle succombe à une crise cardiaque, qu'importe. Par contre, qu'elle risque de blesser son prochain, c'est inacceptable. Il ne faut qu'une minute avant que quelqu'un ne tire le signal d'alarme.
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Près de minuit
FanfictionDavid se voyait archéologue, son enthousiasme l'a conduit à profaner le passé. Maryline a ouvert sa librairie-café thématique, une fiction devenue réalité. Pascal a une vie parfaitement réglée, que rien ne devait venir troubler. Ils ne se connaiss...