Près de minuit

19.

Maryline, Pascal et David n'arrivent plus à détacher leur regard de L'œil-de-chat. Quand ils cessent d'être connectés, c'est-à-dire quand les deux hommes retirent leur main des épaules de Maryline, l'œil se referme. Quand ils reviennent en position, il s'ouvre.

– Bien, je crois que j'ai enfin attiré votre attention.

Madame Ducreux les regarde d'un air amusé.

– Comment l'œil nous a-t-il désignés ?

– Tout de même, vous revenez à la réalité.

Ashley Ducreux déverrouille son iPad.

– J'ai évidemment le livre originel, mais pour l'instant contentons-nous de ceci. J'ai fait scanner toutes les pages.

Elle leur montre l'écran de sa tablette.

– Au dix-huitième siècle, un éminent alchimiste a longuement étudié L'œil-de-chat. Il a prétendu avoir réussi à communiquer avec lui. Il ne décrit pas de quelle manière il a procédé et ses indications ne pourraient être que des affabulations. Mais regardez un peu, au fil des décennies, les noms correspondent. Il y a là toute la liste des personnes qui ont pu activer l'œil.

– Jusqu'à quelle année ?

– Je préfère ne pas vous le révéler. On pense que la liste s'arrête au moment de la fin du monde. Il vaut mieux que vous ne sachiez pas quand cela arrivera.

– C'est débile.

Madame Ducreux sourit à Pascal.

– Je sais que vous êtes trop cartésien pour accepter facilement ce genre de prévision. Mais voyez par vous-même, dès le dix-huitième siècle votre nom apparaît, ou du moins votre description.

– « Un homme sachant dominer les machines, au point de concentrer en lui tout le pouvoir du monde, dont celui de le détruire. » Super, je ne suis certainement pas le seul informaticien de génie.

– « Il portera le même nom que l'auteur du Traité du triangle arithmétique. » L'œil a ainsi désigné un informaticien se prénommant soit Blaise, soit Pascal.

– Vos arguments sont fumeux.

David prend l'iPad pour lire le passage qui le concerne.

– « Un spécialiste de l'histoire de l'architecture, un découvreur de grands secrets. Il portera le même nom que le fameux chef-d'œuvre sculpté de Michel-Ange. »

– Vous êtes le seul à avoir compris qu'il y avait un problème dans les archives de monsieur Pei, concernant la construction de la pyramide du Louvre. Et je ne vous fais pas l'affront de désigner la sculpture mentionnée, dont vous portez le prénom.

– Je suis comme Pascal, je trouve que c'est assez mince comme indices.

Maryline prend l'iPad à son tour.

– « Une jeune femme vêtue telle une voleuse, mais préférant mettre ses dons au service du bien. Elle portera le même nom que la dernière femme à avoir pu m'approcher. »

– Vous pouvez regarder un peu plus haut, la dernière femme ayant été capable d'activer L'œil-de-chat était Marilyn Monroe.

– Une Américaine ? Mais j'ai consulté les archives de votre grand-père et il semble conclure que l'œil ne peut pas quitter le territoire français.

– Effectivement. Le fait qu'un nom soit mentionné ne veut pas dire que cette personne était au courant de son rôle ou qu'elle a pu posséder L'œil-de-chat.

– Il ne peut vraiment pas quitter l'hexagone ?

– Non, c'est impossible.