UN.

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La main sur le ventre, une femme aux longs cheveux bruns faisait les cent pas. N'importe qui pourrait voir la courbe que son ventre dessinait sous sa main tremblante. Cette douce courbe était porteuse d'espoir, et pourtant, pour les deux individus réunis dans la sombre pièce, elle n'évoquait rien d'autre qu'une proche mort.

La deuxième personne, assise à même le sol, avait des cheveux blonds coupés courts et des yeux gris perçants. Une détresse infinie se lisait dans ces derniers. Cet homme regardait les aller-retour incessants de sa femme, les ongles rongés à sang.

-Anne, assieds-toi. Tout ce stress n'est pas bon pour le bébé, chuchota-t-il.

L'interpellée ne daigna pas regarder son mari, mais s'arrêta au milieu de la pièce.

-Que veux-tu que je fasse d'autre ? Elle va bientôt naître !

-Elle ? N'avais-tu pas dis que tu ne savais pas si c'était une fille ou un garçon ?

La femme brune se mordit la lèvre inférieure.

-Je le sens comme ça.

Un sourire étira la bouche du blond. Il s'effaça rapidement, laissant place à un rictus nerveux. Il se leva brusquement et prit les fines mains de sa femme.

-Nous devons partir, dit-il d'une voix douce. Loin d'ici, loin des problèmes. Allons chercher Mathieu, et partons.

Anne osa finalement lever ses yeux noirs vers lui. L'homme tressaillit imperceptiblement en rencontrant ces yeux dont il était tombé amoureux dix-sept ans plus tôt, remplis de larmes pour le moment contenues.

-Ils nous retrouveront Jack, tu le sais, murmura-t-elle.

-Anne, nous avons fais le choix de garder ce bébé. Nous savions que fuir allait être une de nos obligations.

-Mais sans médecin...

-Yves sera là, la coupa Jack.

Les yeux d'Anne s'ouvrirent un peu plus. Elle mordit une nouvelle fois sa lèvre en baissant les yeux.

-Yves ? Nous ne pouvons pas lui demander de risquer sa vie pour nous.

-Qui a dis que vous auriez besoin de demander ? fit une voix grave un peu plus loin.

Jack sourit doucement en indiquant d'un signe du menton un petit homme aux yeux confiants. Une fine larme coula le long de la joue de la femme brune, qui secoua la tête doucement.

-Yves, tu ne peux pas faire ça. Tu vas mourir...

-Je te connaissais plus optimiste, Anne. Tout se passera bien.

Sachant qu'insister ne servirait à rien, Anne hocha la tête. Les larmes qu'elle contenait jusqu'à présent dévalèrent soudainement sur ses joues roses. Elle réprima un sanglot et se détourna de son mari qui la regardait avec inquiétude. Après avoir pris une grande inspiration et s'être éclaircie la voix, elle dit :

-C'est d'accord. Nous partirons demain.

***

Dans l'allée de graviers qui séparait le jardin du Roi en deux marchait d'un pas vif un Pion. Une fine goutte de sueur perlait sur sa tempe, seule signe de son agitation intérieure. Sans même jeter un regard aux fleurs de toutes les couleurs qui l'entouraient, il arriva devant les grandes marches de pierres qui lui permirent d'entrer dans l'immense tour grisâtre.

Des Cavaliers prêts à sortir lui jetèrent un regard méprisant avant de ricaner mesquinement. Le Pion baissa les yeux et monta les interminables escaliers en spirales. Arrivé devant la porte la plus embarrassante de l'histoire de l'humanité, il avala sa salive difficilement. Les deux gardes postés de chaque côté de la porte le jaugèrent du regard avant d'hocher imperceptiblement la tête ; il pouvait entrer.

Sur un signe inaudible, les portes se secouèrent dans un bruit sourd. Elles s'ouvrirent dans un bel ensemble, faisant accélérer les battements du coeur du jeune Pion.

Une fois les portes immobiles, il avança d'un pas incertain. Le menton haut mais tremblant, les mains moites et les lèvres serrées en une fine ligne, il se retrouva face à un regard glacial. Le Pion tomba à genoux et s'inclina devant son maître.

Une éternité lui semblât passer avant que le Roi ne se décide d'ouvrir la bouche :

-Que veux-tu ?

Un silence pesant s'installa. Le Pion avait perdu sa voix.

-Je-je... J'ai une information de la plus haute importance à vous transmettre, mon Seigneur, annonça-t-il finalement d'une traite.

-Toi, simple Pion ? ricana le Roi.

Le Pion ne répondit pas. Il était toujours dans sa position inconfortable et priait pour que son Roi l'écoute.

-Hé bien, qu'est-elle ?

Réprimant un soupir de soulagement, le Pion continua :

-Cela concerne les humains, mon Seigneur.

Le Roi fit un geste nonchalant de la main.

-Ces piètres insectes ne sont pas d'une information capitale. Mais continue toujours.

-L'un d'entre eux a violé une de nos lois.

-Parle !

-Une femme a eu un deuxième enfant.

Un grognement résonna dans la pièce. Il rebondit sur les murs, et percuta le Pion de plein fouet. Ses mains et ses jambes tremblaient beaucoup trop, il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps.
Jamais, au grand jamais, le Roi ne s'était inquiété par rapport aux humains. Ils n'avaient jamais transgressé ses règles. C'était la première fois.

-Qui sont-ils ? tonna le Roi, et l'on pouvait percevoir dans sa voix une rage infinie.

-Anne et Jack Daum, mon Seigneur.

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Voici le premier chapitre ! Il est court, je sais. Les prochains seront plus longs ! (Et mieux, car, avouons le, mes premiers chapitres ne sont pas tops et pas à la hauteur de mes espérances)
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Mes autres histoires :
Vindicta
et
L'oubli de l'éternité.

Condamnée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant