HUIT.

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-Lucien ! Lucien ! cria Louise en entrant dans la maison.
Le vieil homme, qui se trouvait dans la cuisine, accourut vers la jeune brune. En voyant la fille qu'elle portait, un tas de scénarios se bousculèrent dans sa tête. Mais il prit sur lui et resta calme.
Louise posa la jeune fille sur le plan de travail, le souffle court.
-Que s'est-il passé ? demanda calmement Lucien.
-Je-je n'en sais rien ! On parlait et elle a été prise de convulsion et elle s'est évanouie d'un coup, je n'ai rien fais !
-Respire, Louise.
Louise agrippa ses cheveux et tira avec énergie dessus. Mathieu, réveillé par les cris de sa sœur, regarda autour de lui, inquiet.
-Louise ? Louise, tu n'as rien ? Ça va ?
-Je vais bien, oui ! s'emporta la brune.
-Ta blouse est en lambeaux ! Et... Tu saignes ?!
Louise baissa les yeux sur sa tenue et rosit un instant.
-Je ne suis pas blessée, tout va bien. J'ai eu un petit problème. Lucien, comment va-t-elle ?
-Elle va parfaitement bien, c'est étrange... Elle semble... endormie. C'est tout.
-Quoi ? Endormie ?!
-Et si tu me racontais toute l'histoire, s'il te plaît ? demanda le vieil homme.
Louise hocha la tête et se mit à relater la dernière heure passées depuis qu'elle était partie. Elle n'omit aucun détails. Une fois son récit fait, elle s'assit, à bout de force.
-Tu es sûre de ne pas t'être blessée ? s'étonna Théo, qui avait tout suivi, jusque là silencieux.
-Oui, j'en suis sûre ! Je l'aurais bien senti, non ? bougonna Louise.
Le blond leva les mains dans un signe d'innocence et se tut. Lucien, quant à lui, faisait les cents pas, visiblement perplexe. Et il l'était. Ce qui l'inquiétait le plus, dans ce qu'avait raconté Louise, c'était cette histoire de sang venant de nulle part. Cela ne pouvait signifier qu'une chose, mais c'était impossible. Purement et simplement impossible.
La fille aux cheveux de feu cligna des yeux. Elle poussa un gémissement et plaça sa main sur son crâne en grimaçant.
-Que... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-elle d'une voix pâteuse.
-C'est à toi de nous le dire, marmotta Théo.
En se rendant compte de tous les visages au-dessus d'elle, la fille fronça les sourcils.
-Je suis où ? Et qui êtes-vous ?
-Tu es en sécurité, répondit Louise. Et ce sont... mes amis.
Lucien se retint de rire en voyant la difficulté que Louise avait eu pour prononcer ce mensonge éhonté.
-Ah, c'est toi, Louise, fit la rousse, comme si elles étaient amies depuis longtemps.
Lucien jeta un regard interrogateur à Louise, qui fit un geste négligeant avec sa main. Elle non plus ne savait pas comment cette fille connaissait son nom.
-Tu sais ce qu'il t'est arrivé...
-Aïna. Je m'appelle Aïna. Je ne me souviens pas très bien, mais je me rappelle t'avoir vu saigner, Louise, et...
Aïna s'interrompit, les yeux dans le vide. Les trois personnes autour d'elle s'approchèrent un peu plus, curieux de connaître la suite. Lucien, lui, ne bougea pas. Il avait compris.
-Et quoi ? demanda doucement Louise.
-Et c'est tout. Je ne me souviens de rien d'autre, déclara Aïna.
Dépitée, Louise grogna et alla dans la salle de bain. Mathieu se recoucha sur le canapé, et Théo se remit à sa lecture.
-Théo, tu veux bien aller me chercher de la menthe et du persil ? Il m'en faut pour la cuisine, fit Lucien.
-Bien sûr.
Une fois partit, Lucien jeta un coup d'œil au canapé. Comme il s'y attendait, il y vit Mathieu endormi. Il s'approcha alors de la jeune rousse, qui regardait autour d'elle avec des yeux curieux.
-Écoute, Aïna. Tu peux me faire confiance. Je sais que tu ne me connais pas, mais je sais aussi que si tu me touches, tu sauras que je suis une source fiable. Alors raconte moi ce que tu as vu. C'est très important.
Aïna écarquilla les yeux. Comment diable ce vieillard pouvait-il savoir cela ? Se rendant à l'évidence, elle planta ses yeux émeraude dans les yeux cobalt du vieil homme, n'ayant aucune autre alternative possible.
-J'ai vu... commença-t-elle.
Le regard confiant de Lucien l'incita à poursuivre.
-J'ai vu Louise. Ce n'était pas clair, c'était sombre...
-Continue.
-Je l'ai vu morte. Je n'ai vu que la mort, de partout. J'ai vu ça lorsqu'elle s'est mit à saigner, je l'ai vu morte.
En inspirant une grande goulée d'air, Aïna tenta de maîtriser ses tremblements.
-Et tu sais ce qui l'a fait saigner, n'est-ce pas ?
La fille hocha la tête, les lèvres serrées. Elle avait la gorge serrée, ces visions l'avait effrayée, elle n'arrivait pas à les chasser de son esprit.
-Qu'est-ce que c'était ?
-Pas quoi, monsieur. Qui.
-Qui ?
-La personne qui lui a fait ça était quelqu'un comme moi.
Lucien se redressa en annihilant profondément. Alors il avait vu juste.
-Un sorcier, chuchota-t-il. Un sorcier qui a voulu la localiser.
Aïna, qui n'en pouvait plus, laissa libre court à ses larmes. Jamais elle n'avait eu aussi peur. Cette vision, ce sorcier, tout ce qu'elle a vu en l'espace de ce court instant l'avait terrorisée.
-Je-je peux partir maintenant ? S'il vous plaît, pria-t-elle entre deux sanglots.
-Quelqu'un t'attends ?
-Non, personne. Je suis orpheline, monsieur.
-Alors tu vas rester sous ma protection. Ce sorcier t'a sans aucun doute vu. Et sachant que vous étiez censé tous être morts il y a des centaines d'années, ton existence va lui faire plaisir. Il te traquera. Tu ne peux pas partir, désolé.
Avec un grognement de frustration, Aïna attrapa un coussin qu'elle s'aplatit sur la tête. Il fallait qu'elle se débarrasse de toute cette peur et cette colère. Après une grande inspiration, elle hurla dedans à pleins poumons.
Lucien en profita pour s'éclipser discrètement. Cette jeune fille avait besoin d'espace, le temps qu'elle encaisse tout ça. Il monta à sa chambre, les jambes légèrement tremblantes. En poussant le battant de sa porte, il inhala profondément et se dirigea vers son placard en noyer.
Il resta quelques secondes immobiles devant celui-ci, indécis. Cela faisait tellement longtemps. Des années. Il avait promis de ne jamais la ressortir, il lui avait promis qu'il ne replongerait pas dedans. Que c'en était fini.
Mais si elle était là, elle comprendrait son manque de choix. Elle le laisserait trahir cette promesse. Elle le ferait, sachant que même si elle s'y opposait, il le ferait. Elle le savait.
Lucien ouvrit son placard en grand. Ses yeux s'illuminèrent instantanément, des souvenirs enfouis au plus profonds de son être affluèrent.
Il lui suffit de poser les yeux sur son épée pour redevenir l'homme qu'il avait toujours été.
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Mes autres histoires :
L'oubli de l'éternité
et
Vindicta.

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Je tenais à laisser un mot après ce chapitre. Je ne peux pas tout simplement poster et faire comme si tout était normal et qu'il ne s'était rien passé.
Alors voilà.

Nous avons connu un week-end plus que dur. J'étais moi-même sur Paris ce vendredi 13, mais pas aux endroits où se sont déroulées les atrocités dont nous avons tous entendu parler. Je tenais à insister fortement sur un point, qui est sans cesse répéter mais jamais imprimer.
Amis musulmans, vous n'êtes pas fautifs. Les personnes qui ont commis ces actes ne sont ni musulmans, ni chrétiens, ni boudhistes, ni athées, ni protestants, ni juifs, ni quoi que ce soit. Ce ne sont que des individus remplis de haine, de lâcheté. Il faut cesser les amalgames. L'islam qu'ils revendiquent n'est qu'un prétexte, jamais l'islam n'a poussé un croyant à tuer son prochain. Jamais. Les réseaux sociaux le disent parfaitement bien : le terrorisme n'a pas de religion. Alors cessez de pointer du doigt les musulmans que vous croisez, cela ne prouve qu'une chose : votre idiotie. Ouvrez les yeux, s'il vous plaît.
J'aimerais aussi dire que ce qu'il s'est passé est inhumain. J'adresse aux familles, aux proches des victimes mes plus sincères condoléances. J'aimerais dire comme plusieurs personnes le disent : "Je partage votre douleur." Mais c'est impossible, cette douleur ne se partage pas. Je suis tellement désolée, si vous saviez. À tous ceux qui ont survécu à cette tuerie, qui y ont assisté, impuissants, toutes mes pensées sont avec vous.
Nous sommes en guerre, oui. Nous vivons l'Histoire comme nous ne l'avons jamais connu. Ce ne sera pas une guerre comme nous avons appris en cours. Elle n'en sera pas moins horrible, détrompez-vous. J'ai entendu une personne dire dans la rue : "Il n'y a eu que 130 morts, c'est rien !" J'aurais aimé la frapper. À ceux qui approuvent ce que je viens de citer, lisez bien. 130 morts, ce n'est pas rien. C'est énorme. Vous imaginez-vous seulement ? Ce sont des hommes comme vous et moi, qui avaient une vie, une famille, un avenir. Ils ont voulu voir un concert, ils ont voulu sortir avec des amis dans un bar. À quel moment, lorsque vous planifiez ce genre de sortie, vous vous dîtes que c'est la dernière fois de votre vie que vous vous amuserez ? Que vous verrez les rues de Paris et son ciel illuminé, pourtant dépourvu d'étoiles ? Tout est en une fraction de seconde fichu en l'air. Et vous laissez derrière vous des traces immuables sur vos familles et vos proches. Un mort, c'est déjà trop. Alors fermez votre bouche si c'est pour dire ce genre de choses.
Je terminerai avec ceci : je n'ai pas peur. Non, ce que je ressens n'est pas de la peur, mais de la colère, de la tristesse. De la haine envers ceux qui essaient de faire plier la France, de la soumettre et de la terroriser. Chers terroristes, sachez que vous n'y parviendrez pas. Grâce à vous, la France est plus unie que jamais. Nous sommes debout. Vacillants, touchés, mais debout et déterminés. Nous l'emporterons sur vous.

"[...]
Devant les trahisons et les têtes courbées,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d'airain !
[...]
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !"
Victor Hugo

Prenez soin de vous, mes adorés lecteurs.

Condamnée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant