DOUZE.

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Pour seule réponse, Louise cracha au visage du Cavalier. Celui-ci s'essuya tranquillement le visage, les dents serrés.
-Je vois que les évènements se répètent, susurra-t-il.
Alors qu'il commençait à lâcher la brune, le sifflement d'une flèche suivi aussitôt d'un autre lui fit lever les yeux. Les poignes des deux Pions qui tenaient Louise se relâchèrent instantanément, et la jeune fille bondit sur le côté, parée à tout danger. Deux corps inertes s'ajoutèrent aux deux premiers. Louise, curieuse de connaître l'identité de son sauveur, leva les yeux.
Un vieil homme, une flèche encochée dans la ligne de mire parfaite de son ennemi, avait les yeux plantés dans ceux de même couleur du Cavalier. Lucien.
-William, dit-il d'une voix forte.
Le Cavalier, à l'entente de son nom et en comprenant qui se trouvait en face de lui, tressaillit.
-Dégage de chez moi. Et en vitesse.
Le Cavalier, William, esquissa un sourire glacial.
-Bien sûr. J'en avais de toute manière fini.
Il passa devant Louise, et s'arrêta.
-Je n'en ai pas finis avec toi, chuchota-t-il.
-C'est ça, répliqua Louise, levant les yeux au ciel.
Alors, sans demander son reste, William sortit, évitant tout contact avec Lucien, qui se trouvait pourtant juste à coter de la porte.
-Ce fut un plaisir de te revoir, Lucien. Après toutes ces années... railla-t-il en s'éloignant.
Louise eut un sourire satisfait en voyant la démarche encore boitante du Cavalier. Il disparut dans la fumée, et Aïna, la fille aux cheveux de feu, apparut à sa place.
-Louise ! s'exclama-t-elle en se jetant dans ses bras.
Louise, choquée, réagit au quart de tour, sans réflechir. À peine les bras frêles de la petite rousse s'enroulèrent autour d'elle que Louise les empoigna avec force et les écarta de son corps. Dans le même mouvement, elle poussa Aïna assez fort pour que la jeune fille recule en trébuchant sur quelques mètres, sa bouche arrondie en un 'O' parfait.
Le visage de Louise s'était totalement fermé, et ses yeux lançaient des éclairs.
-Je peux savoir ce qui te prend ? siffla-t-elle.
-J-j-je...
Louise arqua un sourcil cruel.
La rousse détourna le regard, et les larmes qui remplissaient ses yeux se mirent à couler sur ses joues roses. Elle renifla et entra dans la maison en s'excusant auprès de Lucien, qui se décala.
Louise serra les mâchoires et réajusta sa blouse. Elle attendit quelques secondes avant de se retourner, et rencontra comme elle se doutait le regard désapprobateur de Lucien. Dans un soupir, elle demanda :
-Quoi ?
-Tu y es allée fort.
-Elle n'avait pas à se jeter ainsi sur moi !
-Louise, regarde autour de toi. Le village est saccagé. Tout est en feu. Les villageois courent dans tous les sens, fuient. Aïna s'inquiétait pour toi.
-Pour moi ? Elle ne me connaît pas, ricana froidement Louise.
-Détrompe-toi, sourit Lucien en entrant à son tour dans la maisonnette.
Louise fulmina en silence, et donna un coup de pied rageur dans un caillou. Qui pouvait-elle ? Les gens qui se risquaient à la toucher se salissaient inconsciemment. Elle n'apportait que le malheur. Une minute d'inattention et le monde entier se transformait en une apocalypse irrémédiable. Uniquement par sa faute, elle, petite humaine.
Petite humaine qui n'avait pas sa place dans cette société mesquine.
Alors même si elle devait blesser les sentiments d'une quelconque personne pour un instant, un instant seulement. Si elle devait finir haïe par l'espèce humaine entière. Si elle devait mourir seule... Alors, elle n'hésiterait pas. Leur peine s'effacerait aussi vite que le souvenir de son existence. Mathieu finira a son tour par la haïr et elle le sauverait.
Et grâce à cela, elle sauvera des vies de plus, et ne sera plus jamais responsable de la mort d'un innocent trop sensible.
Louise sourit, satisfaite. Il fallait juste qu'elle fasse plus attention.
La jeune brune passa le pas de porte de la maisonnette, et découvrit Lucien penché sur le corps immobile d'une personne. Le sang de Louise ne fit qu'un tour lorsqu'elle comprit que cette personne n'était autre que son frère. Elle se précipita vers les hommes, un sentiment de culpabilité lui oppressant la poitrine.
Elle l'avait oublié. Elle avait oublié son propre frère, qui, en voulant la protéger, s'était à nouveau blessé. Encore par sa faute.
Louise secoua la tête. Ce n'était pas le moment pour se plonger à nouveau dans des pensées morbides.
-Mathieu ? Mathieu ?
Le brun ouvrit à moitié les yeux, et esquissa un sourire.
-Je suis vraiment un bon à rien, chuchota-t-il. Je me suis évanoui alors que cet enfoiré était avec toi, et je t'ai laissé seule face à lui. Je suis tellement désolé, si tu savais...
Louise secoua la tête, des larmes perlants au coin de ses yeux. Elle renifla bruyamment et s'éclaircit la gorge.
-Imbécile, sourit-elle tristement. Imbécile... (Elle essuya une larme qui menaçait de couler.) Je vais bien, regarde. Si je suis toujours là, c'est uniquement grâce à toi, tu sais. Je serai morte il y a bien longtemps si tu n'avais pas été là. Alors arrête de culpabiliser et repose-toi sans mauvaises pensées.
Elle contempla le visage souriant de son frère, et, avant qu'il ne ferme les yeux, elle vit dans son regard gris une douce lueur d'amour et de reconnaissance.
Les lèvres de Louise se serrèrent en une fine ligne. Elle avala douloureusement sa salive, et tira la couverture en coton jusqu'au menton de Mathieu.
-Je t'aime, frérot, murmura-t-elle, sans se soucier de savoir si quelqu'un l'écoutait.
Lorsqu'elle se releva, elle vit Lucien à la cuisine avec Théo, qui, sans que Louise sache où il était passé jusqu'à maintenant, lui sourit. Aïna était attablée derrière eux, le regard perdu dans le vide. Une tristesse infinie se lisait dans ce dernier.
Louise, amère, ne s'en préoccupât pas. Sa tête était oppressée par le tumulte de ses idées noires.
Encore un peu, et elle se laisserait aller. Il le fallait.

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Condamnée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant