VINGT ET UN.

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Louise suivait William sans savoir où il la menait. Peut-être l'emmenait-il droit à l'échafaud, ou bien la libérait-il. Elle n'en savait rien. Et pourtant, elle le suivait. Lorsqu'elle était encore dans sa cellule, William n'avait pas répondu à sa question. Pourquoi ? Pourquoi l'aidait-il ? Qu'est-ce que ça lui apportait ? Elle avait observé son silence, ses yeux qui trahissaient son trouble intérieur, l'effet que sa question avait produit chez lui. Elle n'avait pas réussi à le déchiffrer. Mais elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Ce n'est pas pour autant qu'elle le fera, loin d'elle cette idée ! Mais c'est tout ce qu'elle était parvenue à traduire de ses expressions.
Dos à elle, les jambes fléchies, elle voyait à travers son simple pull en coton noir ses muscles tendus. C'était la première fois qu'elle le voyait ainsi, humain. Les seules fois où elle l'avait vu, il était toujours avec son armure, et quelques fois avec son casque. Jamais elle ne l'avait vu dans ce simple appareil. Elle se rendit alors compte qu'il était aussi désarmé. Cette prise de conscience lui fit poser une question :
-Tu ne comptes quand même pas sortir de la Tour désarmé ? demanda-t-elle, le ton raillant.
-Pour qui me prends-tu ? grinça William.
La jeune fille haussa les épaules. Elle s'arrêtait lorsque l'homme s'arrêtait, avançait lorsqu'il avançait. Que pouvait-elle faire d'autre ? Il la conduisait dans un dédale de couloirs qu'elle ne parvenait pas à différencier les uns des autres. Comment cette fichue Tour pouvait tant ressembler à un labyrinthe ?
Ils montèrent un étage. Louise fronça les sourcils. Pourquoi montaient-ils alors que la seule sortie se trouvait en bas ? Elle ne dit cependant rien et suivit docilement William. Sa cuisse blessée, qu'elle avait oublié, lui fit serrer les dents. Arrivés face à une large porte en bois, William se tourna vers la brune.
-Reste là, chuchota-t-il. Ne rentre en aucun cas, compris ?
Le sang de Louise bouillit. Cette manie qu'avaient les hommes de lui donner des ordres ne lui plaisait pas. Elle était prête à répliquer lorsqu'il toqua à la porte, trois coups brefs. Alors, Louise se plaqua contre le mur en faisant la moue.
La porte s'ouvrit légèrement. Louise regarda le visage imperméable de William éclairé par la lumière qui se dégageait de la pièce. Son regard glacial détailla la personne qui lui avait ouvert, puis, il entra. Un chahut se faisait entendre. La porte resta entrouverte. Elle entendit une voix nasillarde demander à William :
-Que fais-tu là au milieu de la nuit, loup ?
-Ca te regarde, petit ?
Une autre voix se fit entendre.
-Parle-lui mieux, t'veux bien ? C'est pas parc'que t'es l'Maître des Cavaliers qu'il faut qu'tu t'crois tout permis.
Louise imagina le Cavalier se tourner vers la personne qui venait de lui adresser la parole en lui jetant son regard le plus froid.
-À qui ai-je honneur ? demanda-t-il.
Puis, après un silence, il reprit :
-Un Pion complexé par son infériorité, on dirait bien. Tu disais ?
Celui-ci grommela des paroles inintelligibles pour Louise. Un bruit sourd la fit soudainement sursauter. Une cacophonie de cliquetis s'ensuivit. C'était plus fort qu'elle. Louise se plaça devant la porte et regarda à travers le léger entrebâillement de celle-ci.
Un homme était à terre, sous un enchevêtrement d'armes en tout genre. William était à coter, et regardait deux autres hommes, prêt à les mettre eux aussi par terre si l'un d'eux s'approchait. Une fois sûr qu'ils ne s'y risqueraient pas, il relâcha sa position de défense.
-Désolé les gars, mais je vous emprunte ça, fit William en prenant deux épées dans un coin, ainsi qu'un arc et des flèches.
Il enfila une armure noire, que Louise reconnut comme étant la sienne. Il rangea les deux épées dans leur fourreau.
En se redressant, il croisa le regard de Louise. Il lui lança un regard noir et se dirigea vers la porte.
Les deux hommes n'avaient pas vu Louise. Cependant, cela n'empêcha pas William de lui partir après une fois la porte refermée :
-Je t'avais dit d'attendre ! chuchota-t-il furieusement.
-C'est ce que j'ai fais ! s'offusqua Louise.
-Ils auraient pu te voir, là où tu étais !
-Ils auraient pu, mais ils ne m'ont pas vue !
-C'est ainsi que ça fonctionne chez toi ?! T'es du genre à tenter le Diable à n'importe quel moment dans ta vie, du moment qu'il y a une chance que ça se passe bien ? Ne fais pas ça !Comme si tu ne risquais pas déjà assez tous les jours !
Louise écarquilla les yeux.
-Mais pour qui tu te prends, au juste ? À me faire la morale, comme si je n'avais pas conscience de ce que je fais ! Qui es-tu pour me dire ce que je peux et ne peux pas faire ? Je sais parfaitement ce que je risque tous les jours ! Je risque la vie de tout un chacun ! Et je n'ai aucun ordre à recevoir d'un assassin ! cracha-t-elle.
Les mâchoires de William se serrèrent. Elle venait de lui tendre une perche trop tentante, mais il s'obligea à se taire. Cela ne ferait qu'aggraver la situation. Il inspira donc profondément et lui tendit une des épées qu'il avait prise.
-Quoi ? demanda méchamment Louise, encore énervée.
William dût prendre sur lui pour ne pas partir au quart de tour. Cette fille mettait ses nerfs à rude épreuve.
-C'est pour toi, idiote.
-Je n'en veux pas, de ton épée.
-Et pourquoi donc ? demanda William d'une voix doucereuse, les dents serrées.
Ils venaient d'arriver au bas des escaliers, et étaient prêts à passer les portes.
-C'est lourd et encombrant. De plus, ça ralentit les mouvements.
-Il n'empêche que tu n'as rien d'autre pour te défendre. Le Roi t'a retiré toutes tes armes avant de te jeter dans la cellule.
Louise lança un regard espiègle à William. Elle glissa ses doigts dans son corset en cuir et en retira un poignard dont le manche était orné de fins dessins. La lame, longue et fine, ne coupa pas Louise et réfléchit la lumière de la lune.
C'est étrange que le Roi ne l'ait pas retiré, se dit William. Ce n'est pas l'endroit qui l'aurait arrêté, pourtant.
Il rangea l'épée en haussant les épaules, ne la trouvant en rien lourde et encombrante. En regardant autour d'eux, il remarqua, comme il s'y attendait, que personne n'était dehors. Mis à part dix sentinelles dispersés autour de la Tour pour y assurer une parfaite sécurité.
Lorsque Louise et William allèrent derrière la Tour pour s'enfoncer dans les bois, le jeune homme ne fut pas surpris lorsqu'il y trouva un Pion endormi sur sa lance. Il soupira et passa devant lui sans se presser, suivit par Louise qui détailla le visage juvénile du Pion.
-À quel âge votre entraînement commence-t-il ? demanda-t-elle.
William sourit. Alors voilà leur premier sujet de conversation. Avec la Lune et ses étoiles illuminées, l'odeur de terre et de frais caractéristiques de l'automne, Louise derrière lui qui marchait sans qu'on entende un seul de ses pas...
Ces éléments marquèrent le début de sa fuite.

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L'oubli de l'éternité
et
Vindicta.

Condamnée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant