CINQ.

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La nuit tomba rapidement dans la forêt, et Louise ne put s'empêcher de s'inquiéter. Elle marchait depuis plus d'une heure, sa jambe la faisait souffrir, sans parler de son bras, et la forêt lui semblait interminable. Il fallait qu'elle trouve un village, et au plus vite.
-J'ai froid... murmura Mathieu.
Louise se mordit la lèvre inférieure. Elle posa son frère au sol délicatement, ouvrit son sac et lança une couverture sur son corps glacé. Elle en profita pour changer ses bandages, et laissa échapper un léger soupir de soulagement en voyant que le sang s'était tari.
-Tout ira bien, chuchota-t-elle à elle-même.
Mathieu ferma les yeux. Sa tête commença à tomber sur le côté, sa respiration plus calme.
-C'est pas le moment de dormir, frérot. Faut y aller.
Louise attrapa son frère, le replaça sur son épaule et reprit son chemin. Au bout d'à peine dix mètres, un craquement de branche la fit s'arrêter. Elle redressa la tête, sur ses gardes.
En reposant doucement son frère contre un arbre, elle ouvrit tous ses sens. Elle scruta les ténèbres, la main sur son poignard. Une éternité lui semblât passer avant qu'elle n'entende à nouveau un craquement.
Louise jeta son poignard d'un geste expert vers la provenance du bruit. Un cri étouffé lui parvint, suivit d'un bruit sourd. La jeune brune ne se laissa pas le temps de sourire en comprenant qu'elle avait eut sa cible et au contraire se hâta vers le bruit.
Un garçon aux cheveux blonds était plaqué contre un tronc d'arbre, les yeux écarquillés par la peur. Le poignard de Louise s'était fiché dans la hanse de son sac à dos, le maintenant contre l'arbre.
Louise ne réprima pas son sourire en voyant son tir parfait. Elle ne l'avait pas tué.
Elle dégrafa le jeune homme rapidement, et, dans le même mouvement, lui plaqua la lame de son poignard sous la gorge.
-Qui es-tu ? demanda-t-elle, glaciale.
Les battements de cœur du garçon s'affolèrent, il avala précautionneusement sa salive. En levant les yeux vers la brune, il répondit d'une traite :
-Je-je m'appelle Théo. J'habite dans le village juste à coter.
Le sourcil de Louise s'arqua.
-Le village ?
Théo hocha la tête rapidement, les jambes tremblantes. Louise retira son poignard de sa gorge et lui offrit un sourire qui se voulait rassurant, mais qui inquiéta un peu plus le jeune blond.
-Amène-moi à ton village.
En regardant mieux la brune qui lui faisait face, Théo s'aperçut qu'elle était blessée à l'épaule, et que son visage était barbouillé de sang séché. Il acquiesça une nouvelle fois, légèrement hésitant.


Louise était aux aguets. Ils venaient d'entrer dans le petit village dont le blond avait parlé, Mathieu sur son épaule valide. Lorsque Théo lui avait proposé de se tenir à lui pour épargner sa jambe, elle avait refusé catégoriquement. Il était hors de question qu'elle se fasse aidée, et encore moins par un inconnu.
Le jeune blond avait tenté de faire la conversation, commençant par lui demander leur nom. Il n'avait obtenu aucune réponse, et, après maintes tentations, avait abandonné.
Le village se trouvait à moins d'un kilomètre de l'endroit où le jeune blond avait trouvé les blessés. Les maisons, faites pour la plupart de bois et de pierres, étaient disposées en cercle, laissant des petites ruelles entre chaque habitations et chaque petits quartiers. À première vue, le village ressemblait à une sorte de labyrinthe.
Louise ne ratait pas une miette de ce qui l'entourait. Tout objet, toutes ruelles avaient son importance. Savoir l'emplacement exact de tout ce qui pourrait l'aider était primordial.
Théo conduisit les jeunes bruns au centre du village, où, encastrée dans un énorme chêne, se trouvait une maison allumée. C'était la seule éclairée.
-C'est ici, indiqua Théo d'un signe de la main. Attendez un instant, s'il vous plaît.
Sur ces paroles, il toqua deux coups brefs à la porte. Sans attendre de réponse, il s'engouffra à l'intérieur, laissant Louise et Mathieu seuls.
Légèrement inquiète, Louise regarda autour d'elle. Le village semblait mort, ainsi plongé dans la nuit. Toutes les lumières étaient éteintes, pas un bruit ne se faisait entendre. Elle frissonna malgré elle en voyant un chat noir passer devant elle.
Après ce qui lui parut une éternité, la porte de la maison s'ouvrit en grand. Théo apparut à l'entrebâillement de celle-ci et sourit.
-Entrez.
Louise, dont la tête tournait, fit un pas chancelant en avant. Théo se précipita en avant et l'aida à soutenir Mathieu. Ils entrèrent dans la petite maison chaleureuse, et un homme d'un certain âge se dépêcha d'attraper le bras de Louise pour éviter qu'elle ne tombe. Cette dernière feula en esquivant le bras du vieil homme.
Surpris, l'homme aux cheveux blancs comme la neige laissa retomba son bras le long de son corps. Il aida cependant son fils à porter le corps d'un grand homme brun, qu'ils couchèrent délicatement sur le canapé en daim.
Le vieil homme voulut s'approcher du brun pour voir l'état de sa blessure, mais la jeune brune réagit plus vite que son ombre. Elle s'interposa entre son frère et l'homme, la main sur son poignard. Ses yeux insondables n'envisageaient rien de bon.
Théo écarquilla les yeux de surprise, puis finalement laissa échapper un soupir.
-Écoute, commença-t-il à l'intention de Louise. Tu peux lui faire confiance, il ne vous fera pas de mal. C'est le seul soigneur du village. Ton ami en a besoin.
Louise ne lâcha pas le vieil homme des yeux, qui soutenait son regard sans ciller. Il sembla lire au plus profond de son âme. Elle le jaugea de haut en bas, pour finalement se décontracter imperceptiblement. Il n'avait pas l'air dangereux, c'est vrai. Elle hocha rapidement la tête et se décala pour laisser le passage à l'homme.
Celui-ci s'approcha prudemment de Mathieu. Il approcha sa main de la chemise poisseuse de sang qui lui collait à la peau, et vit du coin de l'œil la fine silhouette de Louise se raidir. En levant les yeux vers elle, il l'interrogea silencieusement.
Après une hésitation, elle acquiesça, les lèvres serrées. Il commença alors à déboutonner la chemise, prenant garde à ne pas le faire souffrir. Une fois la tâche accomplie, il regarda d'un air expert la longue plaie qui ceignait l'abdomen du jeune homme.
Louise, qui regardait tour à tour le vieil homme et son frère, dansait d'un pied sur l'autre. Il ne prononçait pas mot, et ce silence mettait ses nerfs à rude épreuve. Et si son état était plus critique qu'elle ne le pensait ? S'il était trop tard ? Elle ne se le pardonnerait jamais.
Louise s'acharnait sur ses lèvres avec ses dents lorsque le vieil homme prit enfin la parole :
-La plaie n'est pas extrêmement profonde, du moins, aucun organe vitaux n'a été touché. Je peux la soigner, annonça-t-il d'une voix grave.
Un soulagement sans nom envahit Louise.
-Il a cependant perdu beaucoup de sang, et risque de devoir se reposer quelques jours avant de pouvoir bouger sans avoir mal.
Cette annonce lança un froid. Louise leva brusquement les yeux vers le vieil homme, qui soutint son regard sans peine.
-Quelques jours ? Combien, exactement ?
-C'est difficile à dire, marmonna l'homme au cheveux blancs. Trois jours, au grand minimum, je pense.
-Trois jours ?! s'exclama Louise, qui ouvrit grand les yeux.
C'était beaucoup trop. Ils ne pouvaient pas s'autoriser à rester dans ce village aussi longtemps, on les retrouverait d'ici là.
Louise se détourna du corps de son frère, rongée par l'inquiétude. Elle fit les cent pas dans la petite pièce qui servait de salon, torturée par le manque de solutions qui se proposaient à elle.
Le vieil homme suivait ses pas d'un œil calme. Sa démarche, féline et prédatrice, ne manqua pas de retenir son attention. Il regarda ses cheveux noirs qui tombaient dans son dos, sa peau pâle et barbouillée de sang, ses yeux noirs comme la nuit, puis regarda l'autre blessé.
Un fin sourire étira ses rides.
Louise se retourna brutalement vers le vieil homme, lui jetant un regard noir.
-Hé bien, qu'attendez-vous ?! s'exclama-t-elle. Plus vite vous l'aurez soigné, plus vite il sera sur pieds.
Sans se soucier du ton de la jeune fille, l'homme entreprit de nettoyer la blessure du brun. Il fit un signe de tête à son fils, qui hocha la tête. Théo prit une serviette propre qu'il mouilla et s'approcha de Louise.
-Ne bouge pas, ordonna-t-il.
Les yeux de Luce, méfiants, passèrent de son visage à la serviette.
-Ne me donne pas d'ordre, siffla-t-elle.
Le vieil homme sourit un peu plus en l'entendant. Théo roula des yeux et s'arrêta devant elle.
-S'il te plaît ? soupira-t-il.
Louise ne répliqua rien. Le blond leva prudemment la main vers le visage de la brune, qui ne le quittait pas des yeux. Lorsque la serviette ne fut plus qu'à un petit centimètre de sa blessure à la joue, elle recula la tête instinctivement.
Une bête appeurée, songea Théo.
Il suspendit son geste, patient. Louise inspira profondémment, et reprit sa position initiale. Lorsqu'elle sentit le tissus sur son visage, elle fronça le nez. Théo s'appliquait à être le plus doux possible, sachant qu'au moindre faux geste, elle pourrait se braquer sur elle-même et s'enfuir. Il faisait de son mieux pour ne pas penser à ses yeux noirs qui ne le quittaient pas, mais avait du mal à se concentrer. Alors qu'il essuyait le front de Louise, il rencontra malgré lui son regard. Il était prêt à détourner les yeux, mais l'intensité avec laquelle elle le regardait l'arrêta.
Pendant une fraction de seconde, il crut déceler une lueur de reconnaissance au fond du noir de ses yeux. Mais cette faible lueur disparut instantanément, si vite qu'il se demanda s'il n'avait pas rêvé.
-Louise, chuchota-t-elle tout bas.
Le sourcils froncés, Théo s'approcha encore plus.
-Pardon ? demanda-t-il, pas sûr d'avoir bien entendu.
-Louise, répéta-t-elle. Je m'appelle Louise.

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L'oubli de l'éternité
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Vindicta.

Condamnée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant