QUATRE.

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Louise faisait de son mieux pour garder une respiration calme et mesurée. Elle aurait aimé se tourner vers son frère et s'assurer qu'il allait bien, mais les yeux du Cavalier face à elle ne la quittaient pas. La seule façon d'aider son frère était de l'éliminer.

Avant le combat qu'elle venait de livrer contre les Pions du Cavalier, Louise n'avait jamais tué de Pions. Et pourtant, en à peine cinq minutes, elle en avait tué quatre d'entre eux, sans en prendre réellement conscience, obnubilée par son combat. À présent, ses mains étaient souillées de sang.
Depuis son plus jeune âge, son père lui avait enseigné l'art de se battre. Il avait tout fait pour que sa fille n'ait aucun problème si un jour elle devait se battre. Louise s'était entraînée sur des mannequins de paille, ou sur des troncs d'arbre en fonction de l'endroit où ils se trouvaient. Tous les jours, elle s'entraînait au minimum cinq heures. Elle adorait ça.

À ses dix ans, Jack lui avait prêté un arc. Louise avait fait de son mieux pour cacher la joie que cet emprunt lui procurait. C'est lorsque son père lui dit :

"Aujourd'hui, c'est toi qui chasse." qu'elle sentit toute son ivresse la quitter. Elle n'avait jamais tué.

Aux côtés de son père, elle calquait ses gestes aux siens. Pas une branche, ni même une feuille ne craquaient sous leurs pas. Ils étaient ombres parmi des ombres.

Lorsque son père s'arrêta brusquement, Louise tendit l'oreille. Elle tourna le tête dans la même direction que lui et vit une biche et son petit en train de brouter paisiblement. Louise tourna la tête vers Jack, les yeux emplis d'inquiétude.

-Je fais quoi ? avait-elle murmuré.

Son père posa sa main sur sa bouche et indiqua la biche d'un mouvement du menton.

-Tue-la.

Louise voulut s'enfuir en courant, elle qui avait toujours adoré les animaux. Elle ne se sentait pas capable de tuer cette pauvre biche. Que ferait son petit sans elle ? Non, elle ne pouvait pas.

-Louise, tu dois la tuer.

La petite remuait la tête de gauche à droite, incapable de regarder l'arc qu'elle enserrait avec force.

-Chérie, tu es grande à présent. Tu peux le faire.

En ouvrant doucement les yeux, Louise murmura :

-Pourquoi ?

-Pour vivre.

Un gémissement sortit Louise de ses pensées. Elle tourna rapidement la tête vers son frère, mais celui-ci cria :

-Attention !

Louise entendit le sifflement de l'épée s'approcher d'elle et, instinctivement, bondit sur le côté, évitant un coup qui l'aurait coupée en deux si elle n'avait pas bougé. Son poignard glissa de sa main moite.

Elle était désarmée.

Elle ne parvenait pas à se concentrer, l'état de son frère la préoccupait trop. Elle n'y arrivera pas. Elle recula, se trouva acculée à un arbre, esquiva de justesse une nouvelle attaque, tenta une feinte, échoua...

-Hé bien, petite ? Où est passée toute ta hargne ? ricana le Cavalier.

Louise lança un regard noir à son adversaire et plongea au sol lorsque le Cavalier tenta de la décapiter. La lame du Cavalier traça un trait de feu dans son dos mais ne parvint pas à l'arrêter. Il fallait qu'elle gagne. Pour son frère.

Ses doigts se refermèrent sur la poignée de l'épée qui gisait sur le sol à côté d'un Pion mort. Elle roula, jeta un coup d'œil à son frère, se releva. La grimace de douleur qui déformait le visage de Mathieu lui empêcha de réfléchir à ce qu'elle faisait.

Condamnée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant