Prologue

1K 133 54
                                    


« On dit que l'amour est aveugle, mais en fait, il est le seul à voir au-delà des apparences. » Augusto Branco


❤️__/\__/\__/\__/\__❤️

Je fixe la fiche sous mes yeux, les doigts crispés sur le stylo noir basique que j'ai trouvé au fond de mon banal sac à main. Je me rends bien compte que les questions posées sont simples et que si je suis ici à remplir ce formulaire c'est parce que je sais exactement ce que je veux.

Je ferme mes paupières, inspire en gonflant mon ventre, expire en le vidant. Le bruit du vent, qui se faufile dans l'aération de la pièce où je me trouve, me détend. Il me fait penser aux bruits blancs que j'écoute avant de m'endormir, lorsque ma tête est inondée de questions et de pensées bien trop lourdes pour Morphée : ce traître !

À côté de moi, une belle blonde, rêveuse et optimiste, lâche un sourire béat. Sûre d'elle, elle coche les cases une par une, heureuse d'être là, tandis que moi je me demande ce qu'il m'a pris de m'inscrire à cette expérience à la con qui vise à « trouver son âme sœur ».

Ce truc est fait pour les gens désespérés... Le suis-je ? Totalement. Hello conscience.

Teintée de rose et garnie de cœurs, l'affiche est plutôt attrayante à première vue. Sa promesse est alléchante. De plus, les règles me plaisent : communiquer par messages interposés est un soulagement. Cette méthode me protège d'une forte crise d'urticaire dû au trop plein de stress. En outre, il est indiqué que les candidats ont interdiction de se rencontrer, de s'envoyer des photos d'eux ou de donner la moindre information qui pourrait fausser le résultat final. En clair, je ne dois être tentée ni par sa voix, ni par son physique. Seuls nos points communs ou les choses que l'on recherche chez l'homme ou la femme idéale doivent nous rapprocher. Si nous pensons être faits l'un pour l'autre, nous pourrons nous rencontrer à l'événement organisé par la société de rencontre. Comme je suis réservée, le procédé me rassure.

Si le fait de me sentir extrêmement seule m'a poussé à agir de la sorte, avoir promis à ma mère de me ramener avec un homme à son troisième mariage a été une motivation supplémentaire. Pourquoi ai-je dit ça ? Ah oui, je me souviens! Ma mère voulait me caser avec Arsène, le fils de la voisine de la sœur de sa collègue de travail - ouais, ça donne mal à la tête. Célibataire de trente-deux ans, ce charmant garçon, qui vit chez papa et maman, est doué pour commander des pizzas via Uber Eats. Pour couronner le tout, il est imbattable dans la mise à mort des zombies dans « Call of Duty Zombies». Quelle femme ne rêverait pas d'un tel homme dans sa vie? Vous l'aurez sûrement déjà remarqué, mais Tanguy* ne m'intéresse pas.du.tout.

La pendule sonne. Trente minutes se sont écoulées et je suis encore là, attablée, cherchant des réponses comme si je passais mon bac. Mes mains sont moites, ma tête bourdonne. Tanguy - Arsène - devient soudainement un choix à étudier plus sérieusement.

Je m'ébroue. Il est hors de question que j'aille à un rendez-vous arrangé avec ce gars à peine mature. Alors je m'arme de mon classique stylo noir et gribouille les caractères physiques qui me semblent être « à mon niveau ». On laisse de côté le mec hyper musclé. Non seulement je refuse de manger des repas sans goût, agrémentés de protéines en poudre, mais il est parfaitement inconcevable que je cours un footing dans tout Paris avant d'aller au boulot. Le beau ténébreux au regard de braise bien trop sexy qui plaira à toutes les meufs sur notre passage n'est pas pour moi non plus. Mais de toute évidence, je ne risque pas de trouver ce genre de mec à cet événement : ceux-là sont déjà pris ou alors en continuelle chasse.

Curieuse, je jette un bref coup d'œil à la feuille de ma voisine, espérant y trouver l'inspiration nécessaire dans ma quête de l'homme parfait pour moi. La nana remarque mes yeux baladeurs, souffle et se lève pour rejoindre une table située à droite de la porte. Elle me laisse seule, l'air désespéré, avec ma fiche presque vide.

Je n'ai aucune idée du genre de gars fait pour moi.

Je n'ai qu'à prendre en modèle quelqu'un que je n'apprécie pas et noter tout son contraire. Je tapote le dos de mon stylo contre le rebord de la table et réfléchis jusqu'à trouver la personne que je ne veux surtout pas ! Et comme une évidence, c'est la gueule de Morales, le pote de mon frère, qui m'apparaît. Ce mec a l'arrogance d'un coq dans un poulailler et le physique d'un apollon certes, mais avec des couilles aussi gonflées que ses chevilles. C'est l'archétype du beau gosse avec lequel je détesterais avoir une quelconque relation, même amicale.

Je craque mes phalanges et commence à remplir la case « qualités importantes ». Je veux un homme discret avec un peu d'humour, mais pas lourdingue, et romantique. C'est bien, un gars qui transpire la romance. Je pourrai ainsi mater des films d'amour avec lui dans le canapé. On pourra même chialer ensemble au moment de la scène finale, quand le mec réussit à rattraper la femme qu'il aime dans l'aéroport.

J'empoigne ma bouteille d'eau, ouvre le bouchon et bois quelques gorgées avant de m'attaquer aux défauts. Il ne doit être ni prétentieux, ni fêtard -car je suis plus à l'aise sous un plaid qu'en soirée - ni impulsif - je déteste l'imprévisible. Je tends enfin la feuille à la dame qui me remercie en zézayant, puis suis le mouvement des autres femmes dans la pièce d'à côté.


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


___________________________

*Référence au film Tanguy, un célibataire qui vit toujours chez ses parents à vingt-huit ans.

The science of loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant