Chapitre 10

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J'ai sorti une chemise de nuit offerte par ma mère. Je n'ai jamais voulu la mettre ; je ne suis pas à l'aise dedans. Le tissu est fin, les dentelles me grattent et ma poitrine se fait la malle très facilement, mais c'est un atout charme très important. Je me dirige vers la cuisine, sur la pointe des pieds; je veille tout de même à faire assez de bruit pour réveiller les garçons, couchés sur mon canapé depuis une trentaine de minutes, et ouvre mon frigo. J'ai soif. Ma bouteille d'eau fraîche est dans la porte du frigidaire, mais je fais semblant de chercher quelque chose d'autre, en hauteur. Je lève mon bras le plus haut possible, dans le but de faire remonter la tunique à la limite de mes fesses. J'entends un raclement de gorge et jubile intérieurement, tout en espérant que ce soit l'ours mal léché qui s'est réveillé.

— Juliette, chuchote une voix que je ne connais que trop bien.

Loupé ! C'est l'autre idiot que je voulais.

Je fais mine de ne rien entendre et recommence mon petit manège...

— Psst! Je te rappelle qu'on est là ! insiste mon frangin.

— Tu fais bien plus de bruit qu'elle, là, râle son pote.

— Oups, je ne voulais pas vous réveiller, mens-je. Désolée les gars.

Je me mets sur la pointe des pieds et attrape le verre le plus haut possible, quand mon frère se hisse hors du couchage pour tirer sur le bas de ma chemise de nuit.

— Oh! Mais tu fais quoi là, Tommy ?

— On voit presque ton cul !

— Tu as raison, ne change pas tes habitudes parce que nous sommes là, intervient Morales, la tête posée dans sa paume, un sourire en coin.

— Arrête de la reluquer avec ton regard lubrique, Morales.

Le plan fonctionne à merveille !

Je réprime mon envie de rire. C'est même trop facile. Je crois que je ne vais pas avoir beaucoup d'efforts à fournir pour briser leur couple. Je bois une gorgée, range le verre dans mon évier. Mon frère se place devant moi, s'assure que je suis cachée à la vue de son pote, qui sourit bêtement sur le canapé-lit, et m'indique la direction de ma chambre d' un signe de la main.

J'ai déjà remarqué qu'il n'aimait pas trop qu'on me regarde. Ça ne me dérange pas. Il me protège, s'assure que de gros blaireaux ne viennent pas me coller aux basques. Ça me va très bien. Au risque de me répéter, notre relation est parfaite !

Je ferme la porte du frigo, laissée trop longtemps ouverte, et nous plonge dans la pénombre. J'avance à tâtons, me cogne le pied contre le canapé et jure comme un camionneur. Mon frangin, inquiet, allume la grande lumière et commence son habituel sermon.

— Je t'ai déjà dit d'arrêter de marcher pieds nus, Juliette.

Un point pour lui.

Je m'installe sur le plancher, regarde mon petit orteil gonfler à vue d'œil et mordille ma lèvre pour retenir mes larmes.

Ça fait mal...

— Tom, va chercher de la glace pour ta sœur, s'il te plaît.

Morales se lève, s'agenouille et me fixe une lueur brillante dans sa pupille.

— Tu permets ?

Je hoche la tête, car mes cordes vocales refusent de produire le moindre son. Elles n'ont pas envie de chanter une sérénade. Dans le film d'ado Un mariage de princesse, Anne Hathaway feint de se tordre la cheville pour attirer l'homme avec lequel elle joue au tennis et faciliter ainsi le rapprochement. Je valide donc l'idée, puisque ma proie saisit mon pied et bouge l'orteil tout en me demandant où est-ce que c'est douloureux.

The science of loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant