Chapitre 4

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Je pousse le portillon et pénètre dans le jardin commun de l'immeuble. Les bras chargés de courses, je ne remarque pas que mon frère et son abruti de pote ont investi les lieux.

— Hey Ju', tu peux me dépanner en café ? crie la voix suppliante de mon frère.

— Je croyais que tu avais fait les courses il y a quatre jours ! râlé-je.

— Ouais, mais j'ai zappé le café. Alors ?

— OK, mais en échange vous me portez mes sacs, négocié-je en jetant un regard insistant sur le pote de mon frère qui ne lâche pas son téléphone des yeux.

Il est toujours fourré dessus comme un ado.

Je sursaute quand le mien vibre dans la poche arrière de mon jean. Je sais ; je sais très bien qui vient de m'écrire ou du moins j'espère que c'est lui. J'ai reçu le mail à propos de ma compatibilité avec un homme de LoveScience il y a moins d'une heure, pendant que j'étais en train de peser les pommes au magasin. J'ai sauté de joie, fait tomber mon sachet de Golden et j'ai glissé sur la surface précédemment nettoyée par l'homme sur le robot nettoyant. Mes fesses s'en souviennent encore. La chute m'a détruit le coccyx.

Mon frère donne un coup de coude à Morales, affalé sur une chaise de la cour intérieure, puis lui dit que s'il veut un café, il doit m'aider. Le geek relève alors ses yeux bleu clair dans ma direction et arque un sourcil. Sa réponse reste en suspens quand il se lève et fait huit grands pas dans ma direction. Un sourire se greffe sur mon visage quand je lui tends un premier sac, qu'il ne saisit pas, soit dit en passant... Il me contourne, frôle mon corps et répond enfin.

— Tu sais quoi mec ? Je vais plutôt aller m'en acheter un dans un café parisien.

Il se barre sur ses mots pendant que mon frère se marre encore comme un con. Si Tommy n'était pas un pur hétéro, j'aurais limite pu croire que Morales était son type d'homme et qu'il pouffe seulement parce qu'il est fou de lui...

Alors c'est ça « l'effet Morales» ?

Thomas s'approche à son tour et attrape mes sacs, ne m'en laissant qu'un seul, et me fait signe de le suivre. J'ouvre la porte et mon frère dépose mes courses dans le salon pendant que je lui prépare un café. Il sirote sa boisson chaude, tout me regardant ranger.

— Tu sais que tu vas le croiser souvent ? m' informe mon frère.

— Naaaaaaaaaan, sans déconner ! ironisé-je. Je peux savoir pourquoi tu te mets en coloc avec lui, franchement ?

— C'est mon pote depuis des années.

— Vu que tu ne me l'as jamais présenté, c'est qu'il ne devait pas être si important pour toi.

— Justement... On a toujours tout partagé toi et moi, alors je ne voulais pas te partager mon meilleur pote. C'était juste lui et moi à l'époque, m'avoue-t-il.

En fait, je suis jalouse. J'ai toujours été très fusionnelle avec mon jumeau et il connaît tout de moi. Je lui ai parlé de toutes mes premières fois, mes amies, mes erreurs, mes bonheurs, tout, alors que lui, il me cache des choses, à commencer par ce pote dont je n'ai jamais entendu parler. Enfin, il a déjà mentionné un super ami avec lequel il sortait souvent à la fac, mais je n'ai jamais demandé son prénom. C'est sûrement Morales.

Je défais le nœud du sac de pommes et les laisse tomber dans ma panière en grognant. J'ai peur que cette collocation ne nous éloigne, que mon frère ne descende plus me voir pour manger avec moi, pour mater un film à mes côtés. Il va avoir quelqu'un avec qui partager des choses à présent.

The science of loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant