Chapitre 12

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Je pousse la porte du salon de thé, salue Emile en plein service et rejoins Evangéline dans son bureau. Lorsque j'ouvre la porte, je la trouve avachie, le visage enfoui dans un tas de feuilles.

— Tu fais une sieste ?

Elle se relève immédiatement, reprend contenance et souffle, rassurée que ça ne soit que moi.

— Ouf! Je suis contente que ce soit toi ! Si ça avait été mamie, elle m'aurait réveillée en me tapant avec un plat à tarte, j'en suis certaine. Merci d'être passée malgré ta journée de repos. Installe-toi.

Evangéline m'invite à m'asseoir en face d'elle. Elle pousse les dossiers sur le côté, pose sa tête entre ses paumes et plisse ses yeux bleus.

— Bon, j'aimerais que tu signes ça, si tu es d'accord.

Elle fait glisser un papier devant moi et pose un stylo noir à côté.

— Tu as, bien sûr, tout le temps de la réflexion mais ...

— Non, je signe ! m'enjoué-je.

Devant moi se trouve le Graal, le trésor des Templiers, le « cœur de l'océan » : un CDI pour travailler à temps plein dans la pâtisserie. Je convoite ce genre de place depuis plusieurs années, rêvant d'être entourée de personnes aussi passionnées que moi. Ici, je me sens dans mon élément et Evangéline l'a bien senti.

— C'est ce que je pensais, riote-t-elle. Tu dois te demander pourquoi ça ne pouvait pas attendre demain. Comme tu le sais, nous sommes fermés trois jours la semaine prochaine et j'aimerais, si c'est possible pour toi bien sûr, que tu passes dimanche soir afin de vérifier que tout soit prêt pour l'ouverture lundi. Tu seras bien évidemment payée les trois jours.

Evangéline rassemble un tas de papiers et range le tout dans une pochette bleu clair.

— Si tu signes aujourd'hui, ma grand-mère pourra prendre un billet de train pour rejoindre ma mère. Il y a une promotion jusqu'à midi, grimace-t-elle. Je te prends un peu au dépourvu, mais il me faut absolument quelqu'un et si tu n'as rien de prévu, j'aimerais que ce soit toi, Juliette. J'ai confiance, même si on se connait peu.

J'opine du chef, lui souris et prends le stylo entre mes doigts. Je lis lentement, m'imprègne du contrat, mais mes yeux brillent déjà. Je sens d'ici l'odeur du chocolat qui va faire partie intégrante de mes journées, je vois déjà le sourire des clients ravis quand leurs papilles vont exploser de plaisir et j'imagine tout un tas de nouvelles créations : le contrat précise que j'ai le droit de proposer de nouveaux gâteaux. Alors, sans plus attendre, je dépose mes initiales et ma griffe à la fin.

— Merci pour cette opportunité.

— Tu es douée, même mamie le dit. Mais c'est un secret, ne lui dis pas que j'ai cafté.

Elle termine par un clin d'œil et masse ses tempes.

— Tu fais quoi aujourd'hui Juliette ? Vends-moi du rêve, putain, lâche-t-elle la voix rauque.

— Tu as l'air épuisée.

— Ouais, j'ai besoin d'une pause.

— Je comprends. Aujourd'hui j'ai un rendez-vous imaginaire avec mon copain invisible.

La blonde se redresse sur la chaise, écarquillant les yeux.

— Ouais, vu comme ça, ça a l'air débile, hein, rajouté-je.

— Non, non, j'essaie de comprendre.
— Tu vas me prendre pour une folle et tu vas déchirer le contrat, couiné-je.

Ma patronne explose de rire, puis baille et étire ses bras au-dessus de son crâne.

The science of loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant