Juliette Berne
Estéban est Morales. Morales est Estéban. Estéban Morales.
Sur le chemin du retour, ces trois phrases sont devenues mon hymne . Mon cerveau est en mode « difficile à encaisser » et il peine à s'y habituer. Ça n'a rien d'étonnant ; la réalité est parfois dure à accepter.
La climatisation trop forte glace mon visage et me donne un horrible mal de crâne. On dirait qu'elle est jalouse de mon état émotionnel et veut le renforcer en ajoutant du froid à l'atmosphère glaciale de mes pensées..
Et puis, parlons d'Edwige. Cette automobiliste casse-cou prend les virages comme si elle était dans une course de Formule 1. Elle me donne la nausée. J'ai envie de lui faire un cadeau de remerciement pour cette expérience : une délicieuse crème anglaise à l'odeur si nauséabonde qu'elle va probablement ruiner l'intérieur de sa voiture.
— Et du coup, on apprend que ce n'est pas Ramirez le tueur, mais bien Stefano.
Et en plus de ça, la conductrice un peu trop bavarde de mon covoiturage de dernière minute vient de me spoiler toute la dernière saison de ma série préférée du moment.
Je vais la bouffer...
Je ne supporte pas d'être sur les nerfs comme ça. Depuis le début de notre voyage, je fais semblant de l'écouter, je réponds parfois par un « hum hum » effacé et retourne dans mes mauvaises pensées. Mais là, c'est trop ! Je dois lui faire comprendre qu'elle abuse.
—Je n'avais pas vu les trois derniers épisodes, grogné-je. On peut changer de sujet ?
— Oh! Pardon. Bon, ça va, tu ne sais pas qui meurt à la fin de l'épisode quinze. C'est bon, tu auras encore quelques surprises, glousse-t-elle.
Qui meurt ?
Je souffle. N'a-t-elle pas remarqué que je ne suis qu'une présence muette ?
— Ne m'en veux pas, mais j'ai besoin de dormir. Je vais écouter un peu ma musique.
Question de vie ou de mort.
— Ouais, pas de soucis. On voit à ta tête de zombie que tu n'as pas bien dormi, se marre-t-elle.
Et elle avait de bons avis sur le site ? Honnêtement, je n'en suis même plus sûre à présent. Tout s'est passé si vite, j'ai cliqué à la va-vite, les yeux embués de larmes. Tout ce que je voulais, c'était partir, m'éloigner de tout.
Mon téléphone vibre une fois de plus dans mon sac, faisant écho aux battements rapides de mon cœur. Entre les incessants appels de mon frère, qui s'inquiète pour moi, et les messages répétés d'Estéban, je me sens harcelée, prise au piège d'une tempête émotionnelle.
Morales tente désespérément de renouer le dialogue avec moi. Ses messages s'affichent sur mon écran, implorants et empreints de regret : « Juliette, où es-tu ? », « Est-ce qu'on peut discuter ? », « S'il te plaît. Je suis désolé. Vraiment. », « Juliette, dis-moi au moins si tu vas bien. Thomas te cherche ».
Ces quelques mots me transpercent le cœur. Je peux sentir toute sa douleur dans ses messages, mais il est trop tard pour revenir en arrière. Les cicatrices de ses actes sont encore fraîches, et je me retrouve face à un dilemme déchirant entre le pardon et la préservation de ma propre dignité. Alors je reste muette. J'ai seulement pris le temps d'envoyer un message à Alice. Elle est au courant que j'ai précipitamment quitté la villa pour reprendre la route vers Paris, n'emportant que mon sac à main, laissant tout le reste derrière moi. Je devais partir, et rapidement.
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The science of love
Romance♥️🧪📱🇨🇵 Parisienne et pâtissière hors pair, Juliette n'aime pas les fioritures et encore moins se mettre en avant. Sa vie se résume à lire dans son canapé, à regarder des films romantiques et à manger avec son jumeau, Thomas. Cependant il lui ma...