Chapitre 1

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Mes cheveux presque noirs valsent au gré du vent. Les quelques déchets de la ville virevoltent et dansent au rythme de la brise, créant une mini tornade au bord du trottoir. Quelques fines gouttes de pluie tombent sur le sol dans un bruit apaisant. Je relève mes yeux caramel en direction du soleil qui perce les nuages à la recherche d'un cœur à réchauffer : le mien peut-être.

C'est là que je l'aperçois, au loin, coloré et splendide, élégant et parfaitement bien dessiné. Je visualise le début et la fin de cet arc-en-ciel, espérant qu'un jour moi aussi je pourrai trouver le trésor qui trône à ses pieds.

Martin, Simon et Pierre, tous m'ont larguée, un par un, au fil des années. Aucun n'a vu en moi la femme avec laquelle ils pourraient fonder une famille, se marier, et je les comprends. Je suis trop timide, trop réservée, trop discrète.

Assise sur le banc, la pluie ruisselant bientôt sur mon front, j'admire les couples, les passants, les jeunes comme les plus vieux courir pour échapper à la grêle qui ne devrait pas tarder à tomber. Je me lève, défroisse ma robe noire classique et ouvre mon parapluie gris impersonnel, avant de me fondre dans la masse et rentrer chez moi.

Je jette mon trousseau de clés dans la petite coupelle de l'entrée, retire mes bottines sombres et m'affale sur mon canapé, la tête vide. Je suis sortie de mes rêveries par la sonnerie de mon portable.

—Joyeux anniversaire Juliette ! Je suis tellement fière de toi, ma fille. Je viens d'avoir ton frère au téléphone, il reçoit un ami ce soir ? Vous fêterez quand même votre anniversaire ensemble, rassure-moi !

La voix enjouée de ma mère éclate dans les haut-parleurs.

Célibataire, en recherche d'emploi et toujours aussi casanière : une vraie vie de merde. Pas de quoi être fière.

— Ouais, on fait ça demain, merci m'man.

— Au fait, mon mariage avec Paul est dans moins de deux mois. Tu es toujours seule ?

—Oui, réponds-je naturellement.

— Ça me fait tellement de peine. Écoute, la sœur de ma collègue Martine a une voisine dont le fils est célibataire. Il s'appelle Arsène. Je pourrais proposer une rencontre autour d'un thé à la maison. Qu'en dis-tu ?

—Maman, tu as l'impression qu'on vit encore à l'époque des rois ou quoi? Je n'ai pas besoin d'une rencontre arrangée. Je me débrouille, soufflé-je.

— Je ne veux pas que tu sois seule en ce jour si important pour moi, lâche-t-elle comme si c'était mal d'être célibataire pour un mariage.

—Ça va, tu en as eu trois des jours comme ça dans ta vie, lui rappelé-je. Et puis... J'ai quelqu'un. Ce n'est pas encore très sérieux, mais ça va le devenir petit à petit. Je te laisse Tommy frappe à la porte, dis-je avec hâte pour me débarrasser de l'inspecteur maman.

Je me hisse hors de mon canapé douillet et ouvre à mon frère qui entre dans mon appartement, gadoue collée aux semelles et sacs remplis dans les mains.

—Tu penses faire quoi, là ? Retire tes chaussures, me fâché-je.

Il avance et fait comme s'il ne m'avait pas entendu, ce qui est peut-être le cas; ma voix ne porte pas beaucoup. Quand je vous dis que je suis invisible...

— Je dépose mes courses ici. J'ai mon pote qui débarque d'Espagne ce soir et je suis coincé dehors.
— Tu as encore laissé tes clés à l'intérieur et claqué la porte ?
— Ouais, affirme-t-il tout en rangeant un pot de cornichon dans mon frigo.
—Je te préviens Thomas, ne compte pas sur moi pour recevoir ton pote ce soir. J'ai des trucs de prévus, mens-je.

The science of loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant