3 : Contrat

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Il me donne le stylo ainsi que le contrat.

J'inspire profondément et hésite un instant.

Je mets la pointe du stylo sur la feuille et signe.

Me voilà mariée à Alessio Titov, le parrain.

Je donne le contrat à son avocat.

Il veut rendre son père fou de rage, et quoi de mieux qu'épouser la fille de son pire ennemi. C'est tout ce qu'il voulait. Je devrais assister ensuite à un dîner de famille.

Son avocat sort de la maison; je me retrouve seule avec mon "mari".

— On peut aller voir mon frère ?

— On ira le voir plus tard. dit-il en caressant son chaton sur ses genoux qui commence à ronronner.

— Pourquoi tu ne le ramènes pas ici ?

— Parce qu'ici, c'est dangereux. Alexio est le seul de mes frères qui ne peut être mêlé à mes affaires.

— Tu me fais chier.

— Fais gaffe à ce que tu dis, je te rappelle que tu es sur mon territoire.

— Techniquement, c'est le mien.

Il murmure des jurons dans sa barbe en se levant, mettant son chaton sur la table.

— Dégage ton chat !

— C'est une chatte déjà, et tu la respectes.

— Je respecte toutes les chattes sauf la tienne.

— Viens là, Vera. dit-il en agitant un sachet de croquettes.

Sa chatte descend aussitôt à ses côtés.

— T'es sérieux là ?!

Il ricane.

— Bien sûr que non. Elle s'appelle Blacky. Déstresse un peu, Vera, tu es sur les nerfs.

— C'est normal.

— Ça va bien se passer, il n'y a pas de raisons que ça se passe mal.

— Non, bien sûr que non. La seule raison pour laquelle ça se passerait mal, c'est qu'il y a une centaine d'hommes autour de sa baraque et qu'il y a une chance sur cent que je survive si mon père est vraiment vivant comme tu le crois.

— Je ne le crois pas, je le sais. Normalement, mon homme va t'emmener au sous-sol et vous tuerez les deux autres. Vous irez libérer ton père ; pendant ce temps, je me serais occupé de Baston. De toute façon, tu sais très bien que personne ne veut travailler avec lui, donc ça ne sera pas difficile de retourner ses hommes contre lui. Tout le monde veut que les Suarez reviennent. Pourquoi tu n'as pas demandé aux gangs qui travaillaient pour ton père ?

— Qui aurait aidé une gamine de 17 ans ? Et surtout une femme.

— Tu n'es pas n'importe qui. Tu es la fille d'Espanto.

— Justement, sans mon père je suis personne.

— Ne t'inquiète pas, tu feras tes preuves quand tu auras enfin le business. En tant que femme, ça sera compliqué, mais tu réussiras. Tu portes tête au parrain sans peur, des misogynes de 70 ans ne te poseront pas de problèmes.

— Je dois prendre ça comme un compliment ?

— Ça ne devrait même pas en être un. Va te préparer, on ne va pas tarder.

— Toi aussi, va te préparer. Ce n'est pas en jouant avec ta chatte que tu vas réussir à m'aider.

— Laisse ma chatte tranquille, putain !

— Chaque nuit, elle vient dormir sur mes seins. Elle n'est pas si fidèle à toi, je te rappelle !

— Étonnant, puisque t'as des seins aussi plats que des planches.

— Moi, en moins, je plais aux gens.

— Moi, au moins, quand je me vois dans un miroir, je ne me dégoûte pas.

— Ça n'a jamais été mon cas.

— Et voilà le déni en personne.

— Mais va te faire enculer, la seule personne qui t'aime dans ce monde, c'est ta chatte, tu devrais te remettre en question un peu.

— Dégage, Vera.

— Monsieur est blessé ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je le hais tellement, cet homme.

— Va t'habiller, on va être en retard !

— Tu peux aller te faire foutre. dis-je en me levant pour me diriger vers l'étage.

— Espèce de catin, va !

— Ferme ta gueule. Tu es la pute de tes propres putes ! J'hurle avant de claquer la porte.

Il a de la chance que je ne puisse pas le frapper.

J'entre dans ma chambre et vais chercher ma robe.

Baston voulait coucher avec moi. Il était le "meilleur ami" de mon père, et parfois il me faisait des sous-entendus absurdes. Des attouchements que je n'ai jamais oubliés, mais auxquels je m'étais habituée.

Le plan est que je fasse affaire avec lui à la place d'Alessio. Je lui dirais que je suis mariée au parrain et qu'il m'a dit de venir, car il était trop occupé. J'essayerais de le tuer, ses hommes m'arrêteront et on descendra au sous-sol.

Je n'ai pas vraiment espoir dans le fait que mon père soit en vie. Mais je veux récupérer mon business.

Après m'être fait toute jolie, je descends à côté de mon cher et tendre époux, que je hais.

— Viens. me dit-il en ayant un micro dans la main.

— J'arrive, mi puta.

— Vera, je vais te...

— N'essaie surtout pas de riposter, j'ai un couteau dans ma jarretière et mes nerfs sont déjà en train de fulgurer.

Il murmure des jurons et approche sa main de ma poitrine pour glisser le micro discrètement sous mon décolleté.

– Ton père a le même tatouage sur le dos, je me trompe ?

— Sauf que sur l'épée, il y a écrit Vera.

C'est un tatouage d'un cœur qui est en train de se briser avec les morceaux qui tombent et une épée qui passe par dedans. Sur le mien, il y a écrit "Espanto", sur le sien "Vera".

— Tu as d'autres tatouages ?

– Cinq autres, mais ils sont cachés. dis-je en tournant la tête vers lui.

Mes lèvres frôlent les siennes, me provoquant des éclairs de frissons. Je ne pensais pas qu'il serait si proche.

J'ancre mes pupilles dans les siennes, lui aussi il n'a pas fait exprès apparemment.

Mon cœur triple de battements.

— Alessio..., dis-je en reprenant le contrôle de mon corps.

Il me lâche et recule pour aller jusqu'à son ordinateur, comme si de rien n'était.

J'inspire et j'expire profondément.

— On peut y aller, tout est OK pour moi. Tu es prête ?

J'hoche la tête positivement.

Je m'approche et on sort de la maison. Deux voitures nous attendent.

Son homme m'ouvre la porte et l'autre lui ouvre aussi.

— Bonne chance, Vera.

— Je n'ai pas besoin de chance pour réussir, Alessio.

Je monte dans cette bécane.

ALVEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant