Chapitre 2

1K 76 2
                                    

Une petite pluie tombe depuis la fin de l'après-midi, rafraîchissant l'atmosphère, donnant à la ville un aspect sinistre. Je déteste la pluie pour de nombreuses raisons. La pluie rend tout gris, le ciel, nos émotions. L'humidité, le fait de marcher dans une flaque, de mouiller les bas de mon pantalon, mes chaussettes, d'être obligée de tenir un parapluie, ou de me trimballer en permanence un imperméable à capuche. Je suis triste les jours de pluie. Je pourrais la regarder depuis une fenêtre, au chaud chez moi, hypnotisée, frapper contre les vitres, mais cela me rend encore plus triste. Je me remet au travail, la Caliber a le cul en l'air, je répare ce que je peux avec les pièces en stock, je solidifie ce qui doit l'être, je nettoye le moteur, les filtres, je vérifie tout avant de la redescendre, de couper la musique, puis je la démarre, j'écoute, je sors pour la secouer, rien, le moteur ronronne, aucun bruit des suspensions. Il restera un essai routier à faire demain. En attendant, je nettoie l'intérieur, je passe l'aspirateur. La voiture sent le neuf, je la trouve toujours aussi mignonne à l'intérieur.

Je ferme tout et rentre chez moi avec le van, je suis fatiguée, la journée a été longue. Une fois changée, restant en caleçon et en t-shirt sans manche, une bière fraîche sur la table basse, j'endosse le chèque que je prends en photo pour le déposer sur mon compte, avant d'en transférer une partie dans un compte à intérêts. Enfin, en traînant les pieds, je rejoins ma chambre pour me laisser tomber sur le lit.

Je me tourne dans mon lit, mes bras étendus sur l'espace vide à côté de moi. Je dors seule, personne n'est jamais venu chez moi, n'a dormi dans mon lit. Ma maison, c'est mon cocon, mon refuge. Une des conséquences de mon enfance. Je suis orpheline, j'ai grandi en maison d'accueil. Je n'ai pas à me plaindre, je n'ai jamais manqué d'amour dans mon enfance. Chaque famille d'accueil où je suis passé m'en donnait, à leurs façons. J'ai toujours fait de mon mieux pour être gentille et polie. Parfois j'avais une chambre pour moi seule, mais le plus souvent je partageais ma chambre. Parfois, je ne restais qu'une journée dans une famille, pour être redirigée ailleurs, ne me laissant pas le temps de mémoriser les noms ni de garder un quelconque souvenir de mon passage. Dans les familles où je suis restée un peu, je me suis faite des amis, dans celles où je suis restée plus longtemps, des frères et des sœurs. Cela compensait le fait que je ne me souviens plus vraiment de mes parents. J'ai une photographie que je garde précieusement, elle est usée, pliée, cornée, mais c'est mon bien le plus précieux, bien que je ne puisse certifier que ce sont bien mes parents, les visages du couple ne me rappellent rien.

L'administration a veillé sur moi, c'était toujours cela. Je me suis longtemps demandé si elle savait quoi faire de moi, à me balloter comme cela, d'un endroit à un autre. Est-ce que j'ai eu une enfance heureuse ? J'avais un toit sur la tête, à manger et chaud l'hiver, c'est mieux que rien. De nombreuses familles où je suis passé n'ont pas eu le temps de s'attarder sur les peines de mon petit cœur. Ai-je été traumatisée ? Ai-je souffert de la perte de mes parents ? Non, pas vraiment. Bien qu'il m'arrivait, parfois, de me réveiller en pleine nuit en larmes et en sueur. Comme cette nuit.

Je reprends mon souffle en silence, les fils de mon cauchemars s'étiolent lentement. Il n'y a plus rien à faire, ma nuit est fichue. Je regarde mon téléphone, le posant énervée sur mon lit.

4:42

Ça pourrait être pire.

Je me lève et me change pour aller courir, me vider la tête.

Le problème d'être une orpheline, c'est que je n'ai pas vraiment eu le choix pour orienter mes études. L'état payait, mais pas trop. Je lui ai coûté assez cher comme ça depuis... depuis toujours en fait.

Mon truc dans la vie, c'était la récupération. Comme j'étais pauvre, j'ai appris très tôt à bricoler. Ce que je pouvais réparer ne me coûtait rien ou presque, je n'y voyais que des avantages.

The Lone wolf & The Lost Souls MCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant