Chapitre 13.

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Jamais elle n'avait ressentit telle euphorie, se nourrir directement à la source. Le sang était encore chaud et doux, il n'avait plus ce gout âcre tiré d'un animal quelconque, non. L'homme était de loin un plat de premier choix. Quand elle rentra à l'hôtel, elle ne croisa personne au comptoir et rejoint sa chambre d'une démarche dansante, légère. Quand elle fut prête à aller dormir, elle regarda distraitement à travers la fenêtre: une fine couche rosée entachait l'horizon, le soleil n'allait pas tarder à se lever.

Un soupir de soulagement et Jules sombra dans un profond sommeil, c'est comme si elle sentait chaque cellule de son corps se régénérer une à une. Elle aimait cette sensation, elle était sereine, en paix. Aucune ligne de conduite, pas de remords ou d'états d'âme. Le calme total.

Quand le jour se coucha et que le Soleil fit place à la Lune, Jules ouvrit presque instantanément les yeux. Son réveil ne fit pas brutal, non, mais direct. Elle était pleinement reposée, elle n'avait fait aucun rêve cette nuit-là. D'un pas sur et aucunement embrumée, elle se leva, pris une douche rapide, et partit, prenant ses affaires non défaites et ses cheveux encore humide. Si elle appréciait mille fois plus les petits plaisirs comme l'eau chaude sur sa peau lorsque les températures chutent à en être invivable, les petits désagréments tels que le froid ne l'atteignaient plus. Elle ne courait plus aucun risque: plus de rhum ou autres maladies virales ou non, pas de cancers possible, et aucune perspective de grossesse ou même d'MST. En bref, toutes ces choses auxquelles elle prêtait tant d'importance, sa santé, son tabagisme inexistant ou sa vie sexuelle, tout impératif s'éloignait à une large distance d'elle. Sa morale aussi. Son comportement. Elle n'était plus cette jeune ado frêle et invisible de la majorité. Elle était maintenant pleinement consciente de ce qu'elle était: une femme forte, séduisante et maline, que l'on ne pouvait nullement ignorer, de par sa présence et sa prestance.

Néanmoins, certains traits de sa personnalité persistaient: sa prudence. Elle savait par exemple, que la faim vient en mangeant, et qu'elle devrait se fixer des limites afin de se préserver. Car, pour jouir de tous ces plaisirs nouveaux qui s'offraient à elle, elle devrait parallèlement s'assurer de sa survie avant celle des autres.

Elle alluma le contact et passa les vitesses une à une. Elle reprit, sans un brin de nostalgie, le parcours qu'elle avait entamé pour venir ici, la Louisiane étant cette fois la destination. Elle ne pouvait plus ressentir le manque, ou la mélancolie, mais cet endroit restait jusqu'à présent le seul endroit du continent où elle se sentait en harmonie totale. Il est inutile de rappeler à quel point elle s'étant émancipé de là où vivait sa grand-mère. Maintenant, à ces yeux, cette ville n'était plus qu'un vaste cimetière. C'était un souvenir qu'elle avait repousser au plus profond de sa mémoire, un souvenir qui ne pouvait lui causer que peine et malheur. Elle doutait franchement de sa maitrise sur elle-même si elle devait un jour se confronter à tout ça à nouveau.

Perdue dans ses pensées et n'écoutant plus la musique de mauvaise qualité qui passait à la radio, elle s'était surprise à admirer tous les paysages nocturnes, plutôt bien éclairés par la lune à certains endroits. Que ce pays est vaste, avait-elle penser. Les couleurs sombres et froides défilaient en larges trainées monochrome dans son champ de vision périphérique. Elle regardait sans prêter attention.

Le reste du trajet fut le même, mais elle ne montra aucun signe d'ennuie. Elle répéta les mêmes geste que la veille, déposa ses affaires dans un petit hôtel, alla se nourrir, puis repartit à l'hôtel pour se reposer une fois le Soleil demandant de se lever. Et ainsi de suite jusqu'à, enfin, arriver en terre promise. Son cœur fut presque rempli d'émoi lorsqu'elle croisa le panneau <<Louisiane>>, brillant dans la nuit sous les feux de sa voiture. De mémoire, elle fit le chemin jusqu'à ce même hôtel où elle avait séjourné en venant ici.

Elle sorti en hâte de la voiture, pris son sac sous le bras et s'éloigna avec hâte tout en verrouillant le véhicule. Elle sauta les marches d'escalier deux par deux et se présenta avec un sourire digne d'une pub devant le comptoir de la réception. Elle donna un petit coup sur la sonnette et attendit environ cinq secondes avant que la vielle dame ne se profile. Elle souriait, un air un peu embué certainement à cause de l'heure tardive, où plutôt trop matinale. Le soleil ne se lèverait que dans une heure environ. Elle avait le temps de faire ce à quoi elle avait pensé pendant le voyage.

Elle prit les clés et s'en alla dans la chambre qu'on lui avait assigné, la même que celle qu'elle avait occupé avant de partir. Elle posa son sac sur le bord du lit, dont les couvertures étaient arrangées parfaitement, et ouvrit la petite poche de devant. Elle en sortit une carte, la carte de visite d'Ethan. Une fois qu'elle l'eut trouvée, elle regarda l'adresse de son lieu de travail et repartit, un petit morceau de feuille dans les mains. Elle se remit en voiture et conduisit jusqu'au lieu indiqué. Un institut d'art. Le grand bâtiment avait l'air de former un huit, du moins, du peu qu'elle en vit dans l'obscurité. L'intérieur était encore, ou plutôt déjà éclairé. Il était à peine 4h du matin. Les agents de ménage, se dit-elle. Elle passa l'entrée d'un pas affirmé, et s'adressa à la première personne qu'elle croisa: une dame d'âge avancé poussant un chariot sur lequel étaient disposés des rouleaux de papier toilette.

<<Heu, excusez-moi?>>

La dame se tourna vers elle, l'air dubitatif.

<<Bonjour?

-Bonjour, je cherche le bureau de Monsieur Ethan Price, s'il-vous-plait.

-Heum, il est à l'étage, salle B9. Cela-dit, vous n'y trouverez personne, savez-vous l'heure qu'il est?

-Je sais, madame, je veux juste lui laisser quelque chose, et je ne suis pas en mesure de venir plus tard, j'espérais pouvoir... vous voyez? >>

Elle avait prit le ton incertain d'une adolescente lambda, qui était susceptible d'avoir cours ici. Son charme opéra, la dame y cru tout de suite. Face à sa demande, elle soupira, puis capitula.

<<Bon, suivez-moi, j'ouvre et je referme aussitôt.>>

Jules la remercia avec un sourire faussement soulagé, et intérieurement elle riait. C'est bien, je ne mangerai pas... ce soir. Elles montèrent toutes deux et Jules entra une fois la porte ouverte. Elle déposa le petit morceau de papier sur son bureau, bien en évidence, en plein milieu. Il était impossible qu'il le rate, ça c'était sur. Elle fit un petit sourire en coin que la dame n'aurait pu apercevoir, puis se retourna, remercia et salua la dame, puis quitta les lieux. Sur la petite note était écrit: Reste ici jusqu'à 22h ce soir, j'amène à boire, JJ.

Elle retourna à l'hôtel, s'offrit une bonne journée de sommeil, puis se leva quelques minutes après le coucher du soleil. Elle prit une douche et s'apprêta. Son téléphone affichait 21h45 à l'écran. Elle fouilla au fond de son sac et vérifia que la bouteille de bourbon y dormait toujours, une bouteille qu'elle avait acheté ici avant de partir, en cas de pépin. Elle n'y avait encore pas touché. Et ça n'allait pas durer. Elle roula pendant pratiquement 13min. Elle serait pile à l'heure.

Elle monta les marche de l'escalier de l'institut en sautillant, la bouteille dans les bras. Quand elle se posta devant l'encadrure de la porte de la salle B9, il était 22h pile. Elle sourit et fit claquer le talon de sa botte sur le sol, un son juste assez audible pour qu'Ethan entende. A ce signal, il se retourna, avec un air presque étonné, mais content. Il se mit à sourire largement quand Jules leva la bouteille à hauteur d'épaule et lança:

<<Bonsoir monsieur Price.>>


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