Chapitre 11.

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Theodore avait mal au ventre, ses boyaux se tordaient. Le jour où une douleur comparable l'avait assaillit, c'était il y a très longtemps. Il faisait froid dehors, un froid à s'en mordre les doigts, qui vous aurait arraché la peau des os, un froid à en hurler d'horreur. Ses confrères et les anciens l'entouraient, et lui était au centre, seul, face à son destin. Ce jour-là il passait l'étape supérieure, il devenait un homme, un vrai, de ceux qui pratiquent des tours dont il ne se servait plus aujourd'hui.

Ce jour là, tel un phénix, il était mort pour mieux renaître. Il avait vu sa vie défiler devant ses yeux, sa vie et bien plus encore: son passé, son présent, et son avenir.

Il avait entendu les cris de douleur que poussèrent ses ainés sous les pierres, les plaintes de désolations des pendus, des hurlements qui vous auraient déchirer les entrailles. Il vis ce que personne ne devrait voir: le désespoir et la hantise. Il ne pensait jamais rien voir d'égal, et pourtant.

C'est ce qu'il vis en fouillant dans les yeux humides de Jules. Un cimetière d'âmes en peine. Un deuil continuel, et ça n'allait pas en s'arrangeant. Son passé était gravé sur une pierre tombale tandis que son futur se ferait sur la barque de Charon sur le Styx. L'enfer où qu'elle aille.

Il faisait face à un autel, sur lequel était posé un grand bol en bronze, et il martelait de coup divers ingrédients qu'il venait d'y rassembler. Plus loin de l'encens brûlait, et embaumait toute la pièce, cachant un peu l'odeur d'humidité. Jules attendait dans la salle d'à côté, assise en tailleur sur le sol froid. Elle sentait les extrémités de ses doigts geler.

Quand il eut fini et rendu son mélange homogène, il apporta le petit récipient en pierre près de l'autel et déversa son contenu dans un large bol, dans lequel se trouvait déjà un liquide brun aux allures fine et translucides. Une fois le contenu du mortier versé, et tous les ingrédients mélangés, l'appareil changea d'apparence. Il avait prit une couleur cuivre, presque rose et d'était fortement épaissit, comme du métal liquide, chauffé à très haute température.

-Met-toi à genoux en face de l'autel.

Jules s'exécuta. Bouger lui faisait mal, mais elle se disait que tout serait bientôt terminé. Lentement elle alla se placer là où Theodore le lui avait indiqué, au centre d'un cercle certainement tracé à la craie, rempli de symboles semblables aux illusions que nous offrent les caléidoscopes, des motifs aériens sans définition précise, du moins aux yeux de Jules. 

-Lève la tête.

Elle avait à présent les yeux rivés sur le plafond, scrutant les gouttes d'eau se former sur les parois du plafond et les diverses formes que prenait la pierre qui les abritait. Le moment fatidique approche, c'est bientôt fini.

Theodore prit le grand bol dans ses bras et s'approcha de Jules. Il n'était plus qu'à un demi-mètre d'elle, et soudain s'arrêta dans ce qu'il entreprenait. Il la regarda dans les yeux, la suppliant de réfléchir une dernière fois à la conséquence de ses actes, et d'un air calme, appaisé, elle répondit sans sourire:

-J'ai fais mon choix.

Il baissa les yeux, conscient qu'il ne pouvait plus rien pour elle, mais fit son possible pour respecter sa décision. Il plaça le bol en équilibre sur les genoux de Jules. Voilà, il n'avait plus qu'à faire un geste, tremper le bijou dans le bol et tout était finit. Jules au dernier moment posa sa main sur l'avant-bras de Theodore. Une dernière parole.

-Merci.

Elle avait sourit. 

<<C'est certainement la dernière fois que la paix lui tiendra compagnie.>> songea Theodore avec un sourire triste sur le visage. 

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