Chapitre 8.

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-Alors tu es passée de l'autre côté?

-Comment le sais-tu?

-Tu n'aurais jamais tapé aussi fort étant humaine. D'ailleurs, qu'est-ce que tu fais ici?

-Ça me regarde.

-Fais bien ce que tu veux, ça m'est égal.

-Pourquoi?

-Pourquoi quoi?

-Pourquoi es-tu toujours en vie?

Le visage de Jules témoignait de son manque de sympathie, ce qui, elle l'espèrait, pourrait un peu déranger son interlocuteur. Ce dernier fixa son verre, puis passa une main fébrile dans ses cheveux sombres. Il semblait perdu dans ses pensées.

-Je sais que tu voudrais me voir mort en ce moment, mais on m'a envoyé ailleurs, juste avant que la bataille ne commence.

Jules secoua la tête.

-De quoi tu parles?

-Il y a quelqu'un ici, un vampire, et il a l'air d'avoir une sacrée dalle. Seize personnes ont été attaquées depuis le mois dernier, ça équivaut à une victime potentielle tous les deux jours.

-Je crois en avoir entendu parler. Mais, pourquoi toi? Pourquoi pas Zach?

-C'est lui qui a choisit, il voulait enfin vaincre cet homme qui lui avait tout prit. Tu connais l'histoire.

-Et Glenryc, où est-il?

-Mort.

-Quoi?

-C'était son but, après tout. En ayant le collier, il aurait pu décimer toute la race inhumaine, mais le bijou à eut raison de lui, et lui seul.

-"Lui seul" , alors tu ne sait pas combien des nôtres sont morts, n'est-ce pas?

-Je sais qu'il y a eut des pertes. C'est tout ce dont j'ai besoin de savoir. Ce sont juste... des dommages collatéraux.

-...Juste... "des dommages collatéraux"?

Jules émit un soupir lourd de sens à travers une bouche tendue par la haine. Puis, quelques instants plus tard elle craqua.

Karl était conscient d'avoir dit ça, il le pensait, mais il n'arrivait plus vraiment à assumer face à Julie, dont le visage s'empourprit de larmes, la tête basse, couverte de ses mains fragiles et blanches. Tout était plus dur depuis qu'elle était là, il y a bien plus à perdre.

Karl hésita longuement avant de poser lègérment son bras autour de Jules, essayant du mieux qu'il peut de la mettre à l'aise, mais son chagrin aura eut raison de tous les efforts de Karl. Soudainement, Jules se défit de son bras avec force.

-Comment tu peux dire des trucs pareils?

Sa tête était toujours orientée vers le sol, elle ne voulait pas le confronter du regard, en tout cas pas maintenant.

-Julie, une grande révolution nécessite des sacrifices.

Le fait qu'il l'appelelait encore Julie reflétait bien le fait qu'il ne la connaissait qu'à moitié, songeât Jules.

-C'est bien cher payé.

Karl n'osait plus parler. Il avait en lui une certaine peur de décevoir Julie, elle ne méritait pas ce qui lui arrivait. Très honnêtement, Karl l'aurait pensée bien trop frêle pour endurer tous les derniers évênements. Il la regarda longuement alors qu'elle fixait encore le sol. Elle n'avait pour ainsi dire, presque pas changer, même si ses muscles semblaient un peu plus développés. Elle est plus forte qu'on ne le soupçonne.

-Peut-être... que tu ferais mieux d'aller te reposer. Le jour ne va pas tarder à se lever.

Jules hôcha la tête en guise de réponse.

 -J'te raccompagne chez toi.

Même si Jules voulait protester, elle se tût, elle n'avait plus envie de parler. Elle s'éloigna du bar pendant que Karl payait ses consommations. Il la suivit dehors et il marchèrent tous deux en silence. Même si le jour n'allait pas tarder à se lever, il faisait encore nuit noire quand ils marchaient dans la rue, plus éclairée depuis au moins une heure.

Tandis qu'ils approchaient du carrefour, un bruit sourd se fit entendre. Puis un cri.

Leurs têtes tournèrent en direction de ce qu'ils venaient d'entendre. Un cri, long à s'en glacer le sang. C'était un homme. 

Sans dire quoique ce soit, les deux vampires se mirent à courir, à vive allure, vers ce cri et ce cadavre. Dans cette ruelle, cette nuit, un homme baignait dans son sang. Sa chemise si elle avait été tachée de bière, était maintenant d'un cramoisi uniforme. Il était assis entre deux poubelles, le cou arraché, les yeux vitreux. 

Jules eut comme un coup au coeur: jamais elle n'avait assisté à telle scène. 

 Karl, moins surpris, s'approcha du défunt et examina la scène qui aurait pu se déroulé sous ses yeux, quelques secondes plus tôt.

-Eh merde.

Un bruit de fracas s'émit non-loin, et Karl partit à sa recherche, laissant derrière lui Jules, encore un peu bousculer par ce qu'elle venait de voir.  Une fois arrivé vers les caisses retournées, ne trouvant rien, Karl émit un grognement agacé. 

-Pourquoi fuir?! cria-t-il en levant la tête comme s'il s'adressait à une force invisible le dominant. T'as peur de t'faire attraper?! Espèce de lâche!

Plus un bruit.

Il se retourna pour voir si Jules l'avait bien suivi, c'est c'qu'elle avait fait. Elle se tenait là, témoin de l'agacement de Karl. Elle ne dit rien.

Karl recommença à marcher vers elle, jusqu'à ce qu'ils reprennent le chemin de l'hotel où séjournait Jules. Un peu avant qu'ils n'arrivent, Karl, sachant qu'elle serait partie le lendemain, adressa quelques mots à Jules.

-Désolé d'avoir été un peu... impoli.

On pouvait lire une certaine gène sur son visage, mais Jules, sans fierté, répondit.

-T'as pas changé, je n't'en veux pas.

-Tout c'que j'ai dit... je sais que c'est un peu cru.

-Tout est fini de toute façon. Tout ce qu'on avait construit. Tout est détruit. Il n'y a plus qu'à reconstruire, tout recommencer.

-J'aimerai être aussi sage que toi, Julie.

Avec un petit sourire, elle déclara:

-Tu peux m'appeler Jules.

Soudain Jules écarquilla les yeux. Face à elle, le soleil se levait. Elle sentit toute son énergie quitter son corps, et un grand choc étouffé quand elle tomba à terre. Elle ne sentit même pas Karl s'affoler et se précipiter pour la relever. Elle ne se réveillerait pas tant qu'elle ne serait pas à l'abri de la lumière du jour.

Il la prit dans ses bras et couru jusqu'à apercevoir sa vieille voiture, garée sur le parking d'un petit hôtel à la bordure de la ville. Il la monta dans sa chambre et la déposa doucement sur son lit, ayant peur de lui faire quelque mal que ce soit. Il tira vivement sur les rideaux, les fermant. 

Il se calma, se dressant face à son lit, là où elle était étendu comme une petite fille, perdu dans ses rêves. <<Que peut-il bien y avoir dans ta tête?>> pensa Karl. Il abandonna l'idée de rester jusqu'à son réveil. Il partit.

Une fois le jour couché, Jules se réveilla, une douleur dans les tempes. Sur son chevet elle trouva une petite note. <<Bonne chance Jules.>>


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