Si les calculs de Jules étaient justes, il lui faudrait environ 23h pour arriver à Danvers. Ce qui revenait à conduire quatre nuits durant, sachant qu'une nuit comptait un peu plus de six heures en cette saison.
Jules tailla la route. Elle suivit les indications données par les vieux plans qui dormaient depuis toujours dans la boite à gants de la voiture de son grand-père. Quand elle sortie de l'état de Louisiane, elle dépassa un panneau bleu ciel affichant <<Mississippi welcomes you>>. Elle roula pendant deux longues heures puis elle se retrouvait en Alabama. Les paysages sombres défilaient devant ses yeux qui perçaient si bien la nuit. Après trois heures de route supplémentaires, Jules commença à voir le ciel s'éclaircir.
En effet, vers 5h du matin, le soleil allait se lever. Étant parvenue à la frontière entre l'Alabama, la Georgie et le Tennessee, plusieurs sorties s'offraient à elle. Un fin sourire s'étira sur son visage quand elle entra en Georgie, où un panneau <<Welcome we're glad Georia's on your mind>> l'accueillit. La ville la plus proche était Trenton, dans le comté de Dade. Jules suivit les indications et gara sa voiture sur le parking d'un petit hôtel à la bordure de la ville. Elle se précipita à l'intérieur. Bien évidemment, elle s'était nourrie pendant le voyage, mais elle ne souhaitait pas refaire un malaise loin de chez elle, s'il existait encore un endroit qu'elle pouvait appeler <<chez elle>>.
La réceptionniste, une femme bien portante blonde, fut presque surprise de la voir arriver, sitôt dans la matinée. <<Ah ces jeunes alors...>> Elle se contenta de lui donner une clé et de l'inscrire dans le registre sans lui poser de questions. Jules escalada l'escalier, hâtée de se confiner dans sa chambre pour son dernier repas de la journée, enfin, de la nuit.
Une fois nourrie, elle ouvrit son sac, sortie ses affaires de rechanges, du moins son pyjama, et prit une douche, une longue douche. Elle profita de cet occasion pour faire un tour dans sa tête, trier ses pensées. Tout allait très vite, se confondait. Elle pensa d'abbord à Theodore Corey. Mais qui était cet homme. Et surtout, comment pourrait-elle le retrouver? <<C'est lui qui te trouvera.>> Ça ne l'aidait pas vraiment. Elle baissa la tête, les yeux rivés sur son collier. Elle le prit dans sa paume, serrant du poing, ignorant la douleur de la brûlure. Cette maudite chose, il fallait à tout prix qu'elle s'en débarrasse.
Jules repensa également à Evan. Quand tout cela serait fini, elle prendrai contact avec lui, son ami, son "sauveur". Elle voudrait lui apprendre la bonne nouvelle, elle deviendrait vraiment indépendante. Elle voyait cet objet non pas comme un bijou, mais comme des chaînes, des menottes, qui la liaient à son passé, à toutes ces souffrances qu'elle et ses proches ont subi à cause de cette chose.
Quand elle sortit de la minuscule salle de bain, une lumière dérangeante inondait la pièce. Sa source: la fenêtre. Elle courut presque jusqu'à cette dernière et fermait les volets, brutalement. Sa peau était irritée, les dégats étaient minimaux, mais elle avait quand même mal. Sans prendre la peine de défaire les draps, elle s'étala sur le lit et un sommeil lourd de souvenirs l'emporta. Plus elle s'approchait de son but, plus son confort réduisait. La paix de son esprit s'éloignait un peu plus chaque heure. Pourtant, même si elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait à Danvers, elle n'avait qu'une hâte: y être. Elle ne pouvait attendre pour la résolution, elle semblait si près du but.
Le réveil ne fut pas douloureux, non. Mais quelque chose n'allait pas. Quelqu'un parlait, quelque chose. Jules avait les yeux fermés, pourtant elle avait le sentiment que quelqu'un était dans la pièce, non loin d'elle. La voix, inclassable, lui était pourtant familière. Pourtant il lui était impossible de décrypter ce qu'elle disait. Un charabia incessant qui la crispait, la tendait. Elle ouvrit enfin les yeux. La respiration coupée, elle fit le tour de la pièce du regard, une pièce vide. Elle tourna la tête vers la feneître, dehors, le soleil commençait à se coucher, laissant dernière lui des traces rougeâtres entâcher le ciel. <<Il ne fait pas encore nuit>> songeât-elle. Quand elle délaissa la fenêtre du regard, un élément de son champ de vision périphérique la perturba. En face d'elle, il y avait quelqu'un. La silhouette sombre se dessinait avec de plus en plus de détails. De longs cheveux blonds, tombant en cascade sur ses épaules. Elle revenait du royaume des morts pour la hanter. Anael se mit à crier <<Tu as causé notre perte!>> Jules se sentit aussitôt assaillie de maux atroces, répandus sur l'ensemble de son corps. Elle se sentit vulnérable... presque humaine.
