Julie ouvrit les yeux.
La lumière qui perçait les rideaux semblait plus insistante que la veille.
Elle se rua à l'étage d'en dessous sans prendre la peine d'enfiler un pantalon. Elle s'imposa dans la cuisine, sous les yeux écarquillés de son hôte.
-Il me faut du sang.
-Tu veux pas t'habiller d'abord?
-La lumière m'éreinte, et il n'est que 10h du matin.
-Va falloir t'y faire, jusqu'à ce que tu puisse prendre les gélules, tu devras te soumettre à un rite quotidien qui consiste à te nourrir à l'aurore. Va falloir te lever plus tôt.
Julie grogna un coup et soupira.
-J'ai faim, on va chasser?
-Pas dans cette tenue.
Julie se retrouva à se regarder en T-shirt-culotte au milieu de la cuisine d'Evan, qu'elle ne connaissait que depuis une semaine. Elle aurait bien rougit, si elle le pouvait. Evan quant à lui, soupira devant la négligeance de son invitée. Était-elle comme ça avec tout l'monde? Non, certainement pas. La faim était juste sa priorité.
Elle redescendit avec un pantalon camouflage et un T-shirt noir. Elle s'était servie dans les placards de la chambre où elle dormait, comme le lui avait indiqué Evan. Elle portait les habits de Katarina, à présent, cette dernière n'en ferait plus rien. Ça lui pinçait toujours le coeur de penser à elle. Elle lui manquait péniblement. Il se sentait vide, sans valeur aucune, comme s'il n'avait plus rien d'intéressant.
Ils prirent la route comme la veille et arrivèrent au même endroit. Ils descendirent de la voiture et marchèrent un peu. Evan dit à Julie:
-Aujourd'hui on passe au niveau intermédiaire. Chasse une biche.
-Une biche?
Julie pensait qu'il était barbare de s'en prendre à une telle beauté de la nature, mais après tout, c'était la loi de la jungle, le requin mange le poisson, et le lion mange la gazelle.
Elle acquieça et se mit en chemin en s'enfonçant dans le bois. Son coeur rata un bâttement au son d'un faon, non-loin qui s'approchait avec toute la grâce dont mère nature lui avait fait don. Il était terriblement appétissant.
Julie s'approcha doucement, et au moindre geste brusque, le faon s'en alla en courant. Elle essaya de lui courir après, mais quelle utilité? Elle était tellement plus lente. Elle se retourna vers Evan:
-C'est impossible.
-Cours-lui après.
-Bah bien sur, tu m'a pris pour The Flash?
Et là elle se souvint. Elle se souvint à quelle allure Zach avait monté les marches d'escaliers en fuyant à l'étage du manoir la nuit où ils s'étaient "coeurellés". Il avait filé comme une fusée.
Devant sa tête, Evan comprit qu'elle était en train de réaliser que l'impossible était possible.
-Tu peux le faire.
Il l'encourageais, car il savait que tous les vampires pouvaient le faire, alors elle aussi logiquement.
Et sans rien ajouter, elle se mit à courir, courir à perdre haleine. Elle fut surprise par sa vitesse à la vue du paysage qui défilait, on aurait dit que tout ce qui l'entourait était au ralentis. Les oiseaux battaient des ailes, et on pouvait clairement en voir les mouvements, précis et fins. Le monde avait ralentis, pendant qu'elle, accélerrait encore.
Elle vu la biche. Il ne lui fallut que quelque secondes pour arriver à son niveau et lui sauter à la gorge. C'est la première fois qu'elle traquait ainsi un animal. Elle n'avait jamais aimé la chasse étant humaine, mais aujourd'huui, ce n'était plus le même contexte. Elle faisait à présent partie des prédateurs. Surprédateurs.
Ils étaient partis en laissant la carcasse dans un coin peu fréquenté. Quand ils revinrent chez Evan, il l'avertit:
-Couche-toi tôt ce soir, on se lève aux aurores demain.
Elle acquieça d'un hôchement de tête et monta à l'étage. Elle alla se coucher aux alentours de 20h. Elle savait très bien que son hôte ne dormait pas. Il était toujours en bas, devant sa télé avec un verre d'alcool. Elle n'en savait pas plus sur lui. A bien y penser, elle ne le connaissait pas vraiment. Elle aimerait le connaître pourtant.
Elle y avait pensé jusqu'à 22h. Evan demeurait un mystère pour elle. Il était désormais seul. Elle allait bientôt le quitter. Elle aussi serait seule. Mais la solitude ne lui déplaisait pas. Elle aimait avoir du temps pour elle, le calme l'entourant. Elle était plus sereine de cette manière. Elle avait enfin comprit que les gens comme elle n'étaient pas faits pour entretenir une vie sociale, avoir une famille. Elle avait perdu tous ceux qu'elle aimait. Mais qu'en était-il des autres? Elle se rappela d'Eric, de Brit, et tous ses amis du lycée. D'un jour à l'autre ils ne l'avaient plus vu. Elle était partie sans dire au revoir.
C'était une chose qu'elle ferait en rentrant chez elle. Dire au revoir.
Elle avait une idée de ce qu'elle voulait faire. Elle partirait loin. Elle rentrerait chez elle uniquement pour rassembler ses affaires. En fait non. Juste le strict minimum. Elle voulait changer de vie, alors un renouvellement de sa garde-robe était nécessaire.
Elle ne savait pas encore où elle allait aller après. Peut-être en Espagne, où en Australie. N'importe où mais loin d'ici. Pourquoi pas faire le tour du globe? Elle avait de l'argent sur un compte, ajouté à tout ses héritages. Entre ses parents, oncles et tantes des quatre coins du pays, elle était presque à l'abri pour le reste de sa vie. Et puis de toute façon, elle trouverait bien un moyen de générer de l'argent un moment ou un autre. Elle trouverait un emploi.
Elle était restée immobile pendant deux longues heures, à regarder dans le vide, face au plafond blanc, à réfléchir à tous ces petits détails qu'il faudrait qu'elle règle en partant d'ici. Elle avant tant à faire. Elle voulait se reconstruire une vie, plus simple. Et elle devait en bâtir les bases dès maintenant. Quitte à purger sa peine, autant le faire avec le sourire. Rendre ça plaisant. Chaque soir elle penserai à Zach, verserai une larme et s'endormirai, bercée par les doux souvenirs qu'elle pu partager avec l'homme de sa vie. Et attendrai patiemment qu'un autre jour commence. Un jour neuf, sans tâche, qu'elle s'empresserai de vivre pleinement, de s'adapter à sa nouvelle condition. Et elle n'en avait pas peur. Elle n'avait plus peur.