Chapitre 5 : Joyeux anniversaire, Sid !

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Pendant plusieurs semaines, Sidney enchaînait les longues journées au lycée et les soirées joyeuses à la cabane.

Il y avait eu des tas de villes, des tas de lycées, des tas de camarades de classes, nouveaux voisins ou simples connaissances, mais jamais elle n'avait ressenti ce sentiment de légèreté auparavant. Sa relation avec Eddie était on ne peut plus simple. Avec lui, elle pouvait passer des heures à parler d'un livre qu'elle avait adoré, à le regarder jouer de la guitare ou encore à l'écouter raconter ses parties les plus épiques de Dungeons et Dragons. De temps en temps, elle lui préparait un bon repas, pour changer des boîtes, ou lui ramenait le journal du lycée. Il lui avait parlé de Dustin, de Steve, de Lady Applejack, de Robin et Nancy.

Depuis leur rencontre, Sid pouvait endurer les heures de cours, les repas dans la cafétéria rythmés par les acclamations pour l'équipe de basketball et même les moments au camping-car qui, il fallait l'avouer, étaient beaucoup plus calmes qu'à l'accoutumé. Enfin c'est ce qu'elle croyait avant ce week-end.

Vendredi 3 octobre 1986. Les cours n'étaient pas finis depuis plus d'une trentaine de minutes quand Sidney entra dans la cabane.

— Salut Eddie, lança-t-elle.

Le visage du jeune homme s'illumina aussitôt.

— Bonsoir ma jolie. Comment s'est passée ta journée ? Des potins au lycée ?

— Oh rien de bien intéressant, et la tienne ?

— Maintenant tout va mieux.

Eddie souria à Sidney mais il remarqua qu'elle ne lui rendit pas. Son visage semblait plus froid que d'habitude, son regard moins pétillant. Des tas de questions se bousculaient dans sa tête : n'était-elle pas aussi heureuse de le voir qu'il l'était ? Avait-elle passé une mauvaise journée ? Avait-elle des problèmes ? Et surtout, si c'était le cas, allait-elle lui en parler ?

— Et si tu me jouais un morceau ?

— A votre service, très chère. Une demande particulière ?

— Je te fais confiance.

Dès les premières notes de Iron Man des Black Sabbath, Sidney ferma les yeux tentant de vider son esprit. Elle essaya de ne pas penser à ce week-end.

Depuis son arrivée à Hawkins, elle avait réussi à passer tout son temps libre avec Eddie, loin du camping. Mais demain serait différent : c'était son anniversaire et elle serait obligée de le passer avec son père. La simple idée qu'il pouvait en quelques secondes briser ce sentiment de quiétude la terrifiait.

Et cela voulait également dire qu'elle allait devoir passer moins de temps avec Eddie...

— Eddie, demain je ne pourrai passer la journée avec toi, l'interrompit-elle en plein solo de guitare.

— Oh... OK, je comprends. Tu sais tu n'es pas obligée de venir me voir si souvent. Tu dois avoir envie de sortir au centre commercial avec tes amis, aller au cinéma ou manger une glace.

— Non ce n'est pas ça. C'est mon anniversaire demain et je dois déjeuner avec mon père.

— Attends, c'est ton anniversaire demain ? Et tu ne m'as rien dit ? Ça me laisse trop peu de temps pour t'organiser une fête.

Eddie se leva brusquement et commença à courir dans toute la cabane en faisant de grands gestes ridicules, ce qui fit éclater de rire Sidney.

— Eddie Munson, organisateur d'anniversaires ! Ça te va plutôt bien je trouve.

Eddie souria, heureux d'avoir fait rire son amie, fier d'avoir effacé de son visage la tristesse.

— Profite bien de ton anniversaire avec ton père. Et on se voit plus tard.

Sidney s'endormit ce soir-là en pensant à leurs éclats de rire, se disant que personne ne pourrait lui enlever ces moments heureux.

4 octobre 1986. Sidney avait 17 ans.

Après avoir passé la matinée à ses devoirs, elle sortit de sa chambre et découvrit la table dressée.

— Joyeux anniversaire ma fille chérie !

— Merci papa.

— Installe-toi ! J'ai fait griller des burgers et du maïs et j'ai mis la bière au frais.

— Ok pour le repas mais pas de bière pour moi.

— C'est jour de fête aujourd'hui, dit Daniel en finissant d'un trait sa bière.

Il n'était que midi et c'était déjà la cinquième. Depuis qu'il avait perdu son travail, il passait ses journées à boire et à vendre de l'herbe.

Quand il arrivait dans une nouvelle ville, il commençait toujours par aller se présenter au bar du coin. Il y rencontrait sa clientèle et découvrait les potins de la ville, ce qui lui permettait de définir ses proies, les personnes qu'il volerait.

Quand Sidney était petite fille, il n'était pas comme ça. Ils avaient une belle maison dans un quartier agréable et il était plombier. Ils formaient une famille heureuse. Et puis il s'est mis à entendre des voix et a commencé sa longue descente en enfer.

Il a commencé par arnaquer ses amis, puis voler dans les caisses de son employeur. En quelques mois il avait perdu son entourage et son travail, puis sa femme.

La mère de Sid était une femme au foyer. Elle adorait s'occuper de sa fille, bien qu'elle ait toujours rêvé d'une vie de femme indépendante dans une grande ville. Pendant quelques années, elle a joué à la perfection son rôle d'épouse et de maman. Mais elle ne supporta pas de perdre son train de vie. Une nuit, elle fit ses bagages et partit, sans un mot et sans Sidney. Sidney venait d'avoir 8 ans.

A partir de ce moment, Sidney s'occupa de son père. Elle l'emmena d'abord chez un médecin qui lui prescrit d'onéreux médicaments pour calmer les hallucinations. Ils vendirent la maison et achetèrent un camping-car. Daniel disait que c'était pour faire découvrir le pays à sa fille. Mais la vérité était tout autre.
Dans chaque ville, il y avait le calme avant la tempête. Mais Daniel finissait toujours par arrêter ses médicaments, pris dans le tourment de l'alcool et de l'argent facile. Il criait à qui voulait l'entendre qu'il n'en avait pas besoin. Puis arrivaient les problèmes et la violence, jusqu'au point de non-retour. Et les Brown quittaient la ville. Et Dan promettait à sa fille de reprendre ses médicaments et que tout serait différent dans cette nouvelle ville.

Sidney ne comptait plus les villes, les lycées et les promesses non tenues.


Tout cela sera bientôt fini ! C'était la dernière année de lycée de Sidney. L'année prochaine, elle partira à l'université et quittera à jamais le camping-car.

— Merci papa pour ce repas. Cela me fait plaisir !

Le regard de son père avait changé depuis le début du repas. Il était maintenant plus agressif et perçant.

— Tu peux maintenant m'abandonner pour aller retrouver tes amis.

— Ne dis pas ça, je ne t'ai jamais abandonné. Je suis toujours là pour toi. Je m'occupe toujours de toi. As-tu pris tes médicaments aujourd'hui ?

— Mes médicaments ! Toujours mes médicaments ! Tu ne parles que de ça. J'en ai pas besoin de ces médicaments. Ils m'abrutissent et m'empêchent d'être moi.

Sidney se leva et prit sa veste. Mais avant qu'elle ne parte son père lui agrippa violemment le bras.

— Je n'ai pas besoin de ces médicaments et je n'ai pas besoin de toi. Personne n'a besoin de toi. Casse-toi ! 

The Freak and I, ou fan-fiction sur Eddie MunsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant