Chapitre 19 : Novembre

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Ce soir-là, lorsque Sidney rentra au camping, son père enfilait sa veste pour partir au Hide Out. Elle avait pourtant prié sur le chemin du retour pour qu'il soit déjà parti. Mais il était là, devant elle.

— Te voilà enfin... Dit-il à sa fille sans même prendre la peine de relever la tête.

— Oui papa. Je t'ai dis que j'avais des examens qui arrivaient. Eddie m'a aidée à réviser.

— Pas de souci. Il a l'air sympa ton ami.

— Oui il l'est.

— Je comprends mieux que tu passes tout ton temps avec lui.

Sidney ne répondit rien. Son père serait bientôt parti.

— J'espère quand même que tu n'oublies pas ton vieux père.

Dan posa sa main sur la nuque de sa fille, plantant son regard dans le sien. Derrière l'agressivité, Sidney crut reconnaître de la peur. Peur de perdre sa fille. Peur de se retrouver seul. Mais encore une fois, la violence reprenait le dessus, il resserrait son emprise.

— Papa, tu me fais mal.

— Excuse moi.

Il retira sa main mais resta un instant plongé dans les yeux de sa fille, avant de quitter le mobil-home.

Les jours s'enchainèrent et la routine des deux amis avait repris sa place.

Sidney avait réussi ses premiers examens, Eddie en était très heureux. L'école n'avait jamais été faite pour lui. Il s'ennuyait en cours, pour les fois où il y allait. Et il faut avouer que certains professeurs n'étaient pas tendres avec lui, lui donnant une étiquette de voyou pour certains, de sataniste pour d'autres. Les dernières années, il n'allait au lycée que pour deux raisons : le Hellfire Club et obtenir son diplôme, pour Wayne. Il aurait été si fier de monter sur cette estrade, recevoir ce fameux papier et se retourner vers son oncle, sourire aux lèvres. Sidney, quant à elle, était très bonne élève. Elle avait toujours perçu les cours comme une manière de se dépasser. Exceller à l'école lui permettait de se rappeler qu'elle n'était pas cette bonne à rien que son père décrivait souvent. Elle ne parlait jamais de ses notes d'ailleurs à son père, ne souhaitant pas qu'il s'en tire une partie du mérite. Avant elle les gardait pour elle, aujourd'hui elle en parlait avec Eddie. Ils s'en réjouissaient ensemble et Sidney adorait voir dans les yeux de son ami de la fierté.

Tous les soirs et les week-ends, les deux amis se retrouvaient pour jouer de la guitare ou se faire la lecture.

Parfois Eddie demandait à Sidney comment ça allait avec son père. Et elle répondait toujours la même chose "tout va bien". Eddie ne disait rien de plus, même s'il n'était pas convaincu par les mots rassurants de sa jeune amie. Un jour, il lui reposa la question, s'attendant à la même réponse :

— Comment ça va Sid ?

— Bien. Et toi ?

— Non, je veux dire avec ton père.

— Bien, bien.

— Sid, tu peux me parler.

— Je sais Ed. Mais ça va bien. Vraiment. C'en est presque inquiétant.

— Inquiétant ?

— Il me demande comment se sont passés mes cours, me souhaite une bonne soirée et me demande de te saluer quand je viens le soir. Je ne suis pas habituée.

— Peut-être qu'il a changé, peut-être que le fait que tu l'aies inclus dans ta vie l'a rassuré.

— C'est pas comme ça qu'il fonctionne. Mon père est terrorisé à l'idée que je le quitte.

— Que tu le quittes ? Mais chaque enfant est voué à quitter ses parents pour vivre sa propre vie.

— Je le sais, mais dans sa tête il voit ça comme une trahison. La pire des trahisons, celle que ma mère lui a faite.

— Tu n'es pas responsable du départ de ta mère Sid !

— Moi je le sais. Mais lui. Mon père en est encore effondré. Et son monstre ... Son monstre vient pour le protéger en détruisant tout sur son passage. Et ça faisait très longtemps que son monstre n'était pas sorti pendant si longtemps.

— Tu penses qu'il est parti pour de bon ?

— Non, je pense qu'il est en sommeil, mais quand il se réveillera il se rattrapera.

Ce soir, en rentrant chez elle, Sidney repensait à ce monstre qui se reposait pour mieux revenir, à la menace qui pesait sur ses épaules et à celle qu'elle faisait peser sur celle d'Eddie. Elle s'en voulait énormément :

— Ce que tu peux être bête ma pauvre Sidney, se dit-elle. Tu n'avais qu'une chose à faire et tu n'as pas réussi. Tu as fait entrer le monstre dans la vie d'Eddie.

Elle se demandait si elle ne devait pas couper tout contact avec lui. Arrêter cette relation comme on enlève un pansement, d'un coup sec. Il serait triste au début mais ça finirait par passer. Mais elle savait que ce n'était pas la solution. Eddie était trop attaché à elle. Il finirait par revenir au camping se mettant en danger pour la sauver.

Elle était encore dans ses pensées quand elle arriva chez elle.

— Bonsoir Sidney !

Elle sursauta.

— Papa, tu m'as fait peur.

— Désolé chérie. Je profitais un peu de l'air frais avant de partir. J'ai pensé à quelque chose. Dans quelques jours ce sera Thanksgiving. Ton ami ne devrait pas rester seul pour cette fête.

— Papa je t'ai déjà dit qu'Eddie ne pouvait pas venir ici.

— Il n'aurait pas à venir ici. Nous apporterons tout chez lui pour faire un repas ensemble.

— Papa, je ne sais pas si...

— Sidney s'il te plait. Laisse moi faire partie de ta vie !

— OK papa. On peut faire un repas de Thanksgiving.

Sidney ne se souvenait plus de la dernière fois où elle avait vu son père sourire. Elle se surprit à rêver à un monde où le monstre serait parti pour de bon, un monde où son père redeviendrait celui qu'il était avant, un monde dans lequel elle serait prête à faire entrer Eddie. Enfin jusqu'à son grand départ.

The Freak and I, ou fan-fiction sur Eddie MunsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant