« Eden est vraiment parti cette fois. Les disputes sont devenues rupture. Tant pis. S'il refuse de comprendre, alors il n'a rien à faire dans ma vie. Alors pourquoi je continue de fixer la porte d'entrée comme s'il allait réapparaître ? »
Extrait du journal d'Enola sous dilitírio
Le réveil de Jo sonne et je grogne en le sentant bouger. Le sommeil que j'ai réussi à piéger après une longue traque patiente en profite pour s'enfuir. Mon compagnon se lève. Sa chaleur m'abandonne, je resserre le drap autour de mon corps fébrile. Je sens les bouillottes positionnées contre mon ventre se soulever au rythme de ma respiration. Elle sont froides depuis longtemps mais je n'ai pas l'énergie de les pousser.
J'entends la douche, la cafetière avant que je ne me décide à émerger. Mes bras tremblent. Je souffle. Putain... Un effort inhumain plus tard, je réussis à attraper le verre d'eau et les antidouleurs posés sur ma table de nuit. Je ne me pose même pas la question du délai entre deux doses et les avale. J'ai besoin de réfléchir et mon état ankylosé m'empêche d'aligner deux pensées. J'attends que la douleur sourde se dissipe, allongée sur le lit.
Mon état s'est encore dégradé entre maintenant et six heures du matin... J'ai le corps couvert d'un film de sueur épais et froid comme si je venais de courir un marathon. Ma tête pèse une tonne et peine à tenir seule comme si le marionnettiste venait de couper le fil qui me maintenait. Je comprends maintenant beaucoup mieux ce que Juline voulait dire par catalyseur... Tous les effets du dilitírio qui jusque-là me tuait à petit feu sont devenus incendies. Comme si le poison de la lame les avait aspergés d'essence. J'ai cruellement besoin de cet antidote. Plus que jamais.
J'inspire profondément, me redresse encore et prends appui sur mes pieds. Vertige. Chute. Je retombe de tout mon poids sur le lit en gémissant. Ma jambe... Pourquoi, je ne la sens plus du tout ? Hier, elle était dysfonctionnelle mais pas à ce point. Par réflexe, je me masse le dos à l'endroit de la cicatrice coupable. J'ai eu des flashs... Des flashs de mon agression... Comme si c'était le moment... Je me détourne de ces souvenirs remontés. Le présent est déjà assez compliqué sans en plus remuer le passé. Je me relève, assise sur le bord du matelas et me penche pour me pincer la jambe. Rien. Magnifique... Je soupire. Allez Enola, on ne se décourage pas. Ne les laisse pas t'abattre moralement !
Je glisse au sol le plus délicatement possible et roule sur moi-même en grimaçant pour atteindre ma penderie. Je me redresse avec difficulté. Mes doigts trouvent l'incisure séparant les portes d'armoire et de mes ongles, je réussis à les ouvrir. Je tâtonne les objets entreposés pour trouver mes béquilles puis me sers du battant pour me mettre sur mon unique pied fonctionnel. Dur... Mes muscles tressaillent sous l'effort demandé. J'essuie la sueur qui dégouline sur mon front.
Mes paumes se glissent dans les béquilles et je sais à cet instant que la journée va être plus que longue. Je traîne ma jambe dans la cuisine où je prends une nouvelle dose de médicaments. Une main se pose alors sur mon épaule.
Je lâche un cri en sursautant. Mon premier réflexe est de lever ma béquille, appuyant sur le bouton dissimulé dans les poignées pour que le couteau dans l'embout se plante dans la jambe de mon agresseur. Mais privée d'un appui, je vacille aussitôt. Des bras me rattrapent avant que je m'effondre.
— Eheheh ! C'est moi, Enola !
Jo... Je laisse retomber ma béquille, rentrant le poignard. Pourquoi ne l'ai-je pas entendu arriver ?
— Qu'est-ce que tu fais là ? lâché-je d'une voix déjà épuisée.
— Je t'attendais.
Il pose sa main sur mon front et mes joues.
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My Life, My Hell
Mystery / Thriller" Toute personne assassinant sous l'emprise du dilitírio sera exécutée dans les mêmes conditions que ses victimes. Toute affiliation avec ces personnes se faisant appeler les Naufrageurs sera condamnée à perpétuité. " Se faire oublier, voici l'objec...