« Aveugle. Je suis devenue aveugle. Tout ça à cause de toi, Eden. Si tu n'étais pas parti, je ne passerais pas autant de temps au QG de la confrérie. Si tu n'étais pas parlé, je ne serais pas aussi épuisée. Je n'aurais pas été inattentive. Je n'aurais pas fait cette erreur. Le monde n'aurait pas perdu ses couleurs. »
Extrait du journal d'Enola sous dilitírio
Je m'avance avec difficulté vers l'entrée de la prison, béquilles empoignées avec force. Au bout de deux mètres, je suis forcée de faire une pause. Lilou me suit en baillant, s'accrochant à ma veste d'une main. Mes bras tremblent. Je voudrais les secouer pour faire passer ses fourmillements infernaux mais j'ai trop peur du moindre vertige. Alors je baisse la tête, souffle et continue. Je me traîne jusqu'au portail, maudissant ma jambe inerte, et attends qu'Ethan appuie sur la sonnette. Un grésillement nous autorise à entrer. Il pousse la porte et la tient le temps que j'en passe le pas. Je suis accueillie à bras ouvert par une senteur piquante de désinfectant. Magnifique... Pile ce qu'il me fallait pour me retourner l'estomac.
Lilou vient se coller à ma jambe paralysée. Je lâche avec peine une béquille pour passer ma main dans son dos. Je la sens s'effondrer contre moi. Mon cœur se serre. Elle est vraiment épuisée... Sa respiration est régulière et je devine qu'elle s'est endormie debout.
— Bonjour, que puis-je pour vous ? nous demande une jeune femme sur ma gauche.
Je ne prends même pas la peine de me déplacer et laisse Ethan gérer les formalités administratives.
— Bonjour, je voudrais rendre visite à une de vos détenues. Morgane Thierness, il s'agit de ma mère.
— Vous avez votre permis ? répond d'une voix lasse la standardiste.
— Bien sûr.
— C'est glauque, ici, commente ma sœur sur ma droite.
Une inspiration. Une expiration. Une inspiration. Une expiration. Une inspiration. Une expiration. Une inspiration. Une expiration. Une inspiration. Une expiration. Une inspiration. Une expiration. Ne réponds pas. Ne la regarde pas. Ne veux pas la voir. Je m'accroche à mes ténèbres comme jamais auparavant et m'ancre au poids de Lilou sur ma jambe pour ne pas tomber dans cette réalité déformée.
— Alors on en est revenu là, pleurniche Laurie, peinée. Tu vas m'ignorer ?
— Et elles ? me sauve la standardiste.
— Ce sont des proches, lui répond Ethan.
— Vous ne pouvez être accompagné que de votre famille.
Je ne laisse pas le temps au fils maudit de parlementer et lâche d'une voix acide.
— Je suis son ex et cette enfant vient voir sa grand-mère. Vous nous avez bien regardées ? Vous croyez qu'on représente une quelconque menace ?
Ethan retient une quinte de toux avec peine, certainement estomaqué par mon mensonge.
— J'ai un protocole, argumente-t-elle, la voix vacillant légèrement. Il est fait pour être appliqué.
— Et vous avez un cœur. Il est fait pour être utilisé. Vous allez vraiment refuser à la petite l'occasion de dire au revoir à sa grand-mère ?
— Je me porte garant d'elles, insiste Ethan.
La femme se tait un instant, tergiversant sans doute avec sa conscience.
— Avancez tout droit à votre droite et vous serez fouillée.
— Merci madame.
— Pour une mauvaise menteuse, tu t'en es plutôt bien tirée, commente ma sœur.
Je l'ignore et me penche pour secouer doucement Lilou.
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My Life, My Hell
Mystery / Thriller" Toute personne assassinant sous l'emprise du dilitírio sera exécutée dans les mêmes conditions que ses victimes. Toute affiliation avec ces personnes se faisant appeler les Naufrageurs sera condamnée à perpétuité. " Se faire oublier, voici l'objec...