« Alfrina, Juan et Rustid ont testé une nouvelle version du poison sur un SDF. Il est mort après s'être dévoré les membres tant sa soif de sang était importante. Cette altération ne sera plus utilisée. »
Extrait du journal d'expérimentation d'Enola sous dilitírio
Après avoir accompagné Lilou à l'école en bus, je prends une nouvelle ligne en direction de la banlieue. Sur le chemin, la fumée des feux de poubelles, l'odeur des déchets empilés dans certaines rues, vestiges des barricades de la semaine, me piquent les narines. J'entends des gens crier leur colère, leur haine contre le gouvernement, mais par chance, le bus continue sa route à moyen de détours sans être interrompu. Je n'ai pas besoin de voir pour savoir que des multitudes de graffitis révolutionnaires couvrent les murs, pour imaginer les pancartes peintes de mécontentement que brandissent les manifestants. Deux mois bientôt que cette guerre urbaine a commencé. Deux mois que Lacrymosa, notre belle capitale, croule sous les immondices et les flammes alimentées par la rage. Le calme qui a suivi la panique engendrée par le dilitírio n'a été qu'éphémère. Et depuis des années, la paix est une funambule dont le fil n'a de cesse de s'amincir. L'affaire Thierness n'est que le déséquilibre de trop. Et quelque chose me dit que l'exécution prochaine provoquera sa chute définitive.
Alors que j'approche enfin de ma boutique, je me fige. Une fragrance bien particulière embaume l'air. Heureusement que Juline commence toujours une heure plus tard que moi. Je reprends mon chemin, les mains dans les poches, comme si de rien n'était. Une fois devant la porte, je tends l'oreille à la recherche d'une respiration proche tandis que je mime des difficultés pour introduire la clé dans la serrure. Un homme m'attend de chaque côté de la porte et un doit se dissimuler dans le laboratoire vu que j'entends d'ici le grésillement de cette fichue plaque lumineuse. Mon estomac se contracte. J'espère qu'ils n'ont rien cassé. Ça me coûterait une fortune à réparer et à retrouver les produits.
Je saisis un sachet de poudre paralysante et prends une profonde inspiration. Avant d'ouvrir grand la porte et de jeter les herbes dans la pièce. Des quintes de toux secouent aussitôt les envahisseurs qui tombent au sol dans un bruit sourd. Je fais un pas en arrière sans relâcher ma respiration. Ils continuent d'étouffer, de s'étrangler durant encore vingt secondes que je décompte méticuleusement. Puis les bruits s'amoindrissent jusqu'à se transformer en un fin filet de respiration.
J'attends encore dix secondes avant de reprendre une goulée d'air pur. L'entièreté de la poudre doit avoir été absorbée par leur corps. C'est l'avantage des substances avec lesquelles je travaille, elles ne restent pas dans l'air ou sur un matériau autre que le tissu corporel. Une fois libérées, elles se jettent sur tout corps humain à portée. Leur effet individuel n'est jamais mortel, l'organisme finit toujours par les détruire, mais cela peut être long et douloureux sans antidote. Je m'avance précautionneusement, touchant les corps de la canne pour ne pas tomber. Je referme la porte sans cesser de guetter les éventuels mouvements de l'homme dans le laboratoire. Pas un bruit. C'est donc quelqu'un qui me connaît.
L'odeur de kiros qui m'a interpellée à l'entrée est d'autant plus forte à l'intérieur. Je fais défiler dans mon esprit les dealers de cette drogue que je connais, mais aucun ne m'a passé de commande actuellement. J'imagine donc qu'il vient en faire une. Je devrais mettre en place un système de site ou de borne extérieure en ligne. Cela m'épargnerait leurs manières plus que cavalières. On ne leur a jamais dit qu'avec un « s'il vous plaît » on peut avoir beaucoup de choses ?
Je soupire. Non seulement le responsable des événements pénètre chez moi par effraction, mais en plus, il n'a même pas la politesse de venir se présenter... Je me dirige vers le laboratoire après avoir refermé la porte à clé derrière moi. Il ne manquerait plus qu'un client venu chercher ses huiles essentielles anti-stress tombent sur deux presque-cadavres. J'aurais du mal à lui expliquer qu'ils ont décidé de faire une sieste à neuf heures du matin à même le plancher.
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My Life, My Hell
Misterio / Suspenso" Toute personne assassinant sous l'emprise du dilitírio sera exécutée dans les mêmes conditions que ses victimes. Toute affiliation avec ces personnes se faisant appeler les Naufrageurs sera condamnée à perpétuité. " Se faire oublier, voici l'objec...