Chapitre XXIII : À Fleur de Toi - Slimane

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Ethan

Enola s'effondre sous mes yeux en criant. Mon cœur loupe un battement en la voyant au sol alors qu'une odeur infâme envahit la ruelle. Celle du poison. Je me précipite vers elle pour l'éloigner de cette éclaboussure de dilitírio avant que cela n'inhibe tous ses sens. Mais à peine avancé-je la main vers son épaule, qu'elle ne lève la sienne pour me dissuader.

— Tirez à vue, articule-t-elle avec difficulté.

Tirez à vu... Tétanisé, je l'observe se tordre de douleur à mes pieds. Ses hurlements me glace le sang, tout en moi se cristallise, figé d'horreur par sa souffrance. Je lui en ai tant souhaité... Et pourtant la voir ainsi ravagée ne provoque en moi qu'une culpabilité immense et une douleur que je ne pensais plus pouvoir ressentir à son égard.

Soudain, un mouvement attire mon attention vers le haut. Une silhouette se dirige vers notre rue en escaladant agilement les toits et reliefs. Le Naufrageur... Mes yeux refusent de le lâcher alors que mes mains ont déjà saisi le revolver chargé de balles empoisonnées. Je ne vois plus rien autour. Je pointe le canon sur ma cible en serrant les dents. Cet homme a sans doute tué mon père. Et à cause de lui, ma mère est condamnée. À cause de lui, des milliers de gens risquent de se voir priver des plus grands samaritains que cette société ait jamais connus. Je serre la crosse de mon arme à la faire trembler. Cet homme est responsable de tout ce qui m'arrive. Et pourtant, je ne peux pas le tuer. Je ne dois pas le tuer. Car si je le tue, je condamne ma mère. Si je le tue, la confrérie aura gagné.

J'inspire profondément et ajuste mon tir. Un cri d'enfant me glace soudain le sang. Je jette un coup d'œil en arrière.

— Maman ! Hurle Lilou à travers la vitre de ma voiture.

La petite tambourine la fenêtre de ses petits poings en fixant sa mère, inconsciente. Ses yeux caramel sont écarquillés et plein de larmes et de détresse. Le Naufrageur, Ethan ! Je recentre mon attention sur l'homme dans les toits. Il se rapproche vite, très vite, disparaissant au gré des toitures inégales. Tout à coup, la silhouette réapparaît bien plus proche, au bord du vide. Il doit me repérer car il se fige. Il ne doit pas s'enfuir ! Je décale mon canon de quelques millimètres et tire dans sa jambe. Un cri de douleur lui échappe alors qu'il chute. Dans le vide. Sur le béton du trottoir, trois mètres plus bas. Mon cœur s'arrête. Non, non, non !

Je me précipite vers le corps étendu au sol. Il est tombé face contre terre si bien que je suis obligé de le retourner. Son visage est salement amoché et saigne par de multiples entailles. J'appuie deux doigts empressés au niveau de sa carotide. Il me faut quelques secondes pour dissocier son pouls du mien tout aussi affolé. Un souffle de soulagement passe mes lèvres. Il est vivant...

En mauvais état, certes. Mais vivant. J'avise son visage qui commence à bleuir. Il doit avoir un trauma crânien si ce n'est plus grave vu la chute qu'il vient de faire. Je me mords la lèvre tandis que le sang déserte mon visage. Je ne peux pas l'emmener à l'hôpital, c'est impossible... Mais si je le garde comme ça, il pourrait très bien mourir des suites de ses blessures.

Je jette un coup d'œil à Enola qui s'est évanouie entre temps, appuyée contre ma voiture, à Lilou dont les cris de désespoir me déchirent les tripes. Ma fille... Je ne peux pas m'occuper d'eux tous seul, je vais avoir besoin d'aide ! Qui contacter ? Nerveusement, je me redresse et passe une main dans mes cheveux, faisant un aller-retour dans la rue calme. Je ne peux pas appeler Will ni Aaron, hors de question de les mêler à ça, non. Il me faut quelqu'un qui trempe déjà en partie dans cette affaire. Je pense à la collègue d'Enola, mais vu sa petite taille et frêle morphologie, elle ne m'aidera en rien à transporter le Naufrageur et ne me sera d'aucun secours s'il vient à se réveiller. En revanche, son compagnon... Je soupire. Jo... Que sait-il ? Que lui a-t-elle confié ? Vivre avec un flic sous son toit est risqué pour l'ancienne Naufrageuse qu'elle est. La couvre-t-il ? Pour ça et son laboratoire ? Vu comment il a fait barrière entre Enola, Lilou et moi. D'un autre côté, l'honnêteté n'a jamais été le point fort d'Enola, songé-je amèrement. Lilou... Je dois d'abord m'occuper d'elle. Pas le temps de remuer les rancœurs passées ou d'enquêter sur ce qu'a pu ou non avouer Enola à son compagnon.

My Life, My HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant