Lettre 11

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Une dernière lettre pour une dernière dispute ? On les accumule en ce moment, fille-aux-serpents. En témoignent les feuilles de papier noir de lignes qui stagnent, abandonnées dans une vulgaire boîte. Je n'en ai envoyé aucune, même si à chaque fois que je saisis mon stylo, je me dis qu'elle sera l'exception qui confirmera la règle. Je ne le fais jamais. Car te communiquer ces lettres reviendraient à m'excuser, à t'exposer mes regrets quant à ces faits que j'ai énoncés. Et je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas te montrer à quel point je me dégoûte de te faire du mal avec les mots. Je ne peux pas m'excuser pour te balancer au visage des vérités que tu ne veux pas entendre. Car tu en as besoin, Enola.

Tu t'enfonces dans une folie qui ne peut bien se terminer. Tu vas te perdre, Enola. Te perdre toi, tous ceux et ce que tu aimes au nom de quoi ? Du souvenir de ta soeur ? Et ensuite ? Qu'est-ce que tu feras lorsque tu auras éliminé de sang froid cet homme que tu pourchasses ? Tu crois que tu te sentiras mieux ? Tu crois que tu pourras reprendre ta vie là où tu l'as laissée ? Ça ne marche pas ainsi Enola. Une fois ta haine disparue, il ne te restera plus que ton chagrin. Un chagrin toujours aussi dévastateur et tu seras seule pour l'affronter car tu auras repoussé tout le monde qui tenait à toi.

Je ne peux pas te soutenir là-dedans. Tu veux rejoindre les Naufrageurs ? Parfait, mais ça sera sans moi. Je ne resterai pas si ça signifie t'épauler inconsciemment dans cette vengeance.

Alors crois-moi, je suis désolé d'avoir dû en arriver là. J'ai encore sur la langue le goût infâme du vomi que mon corps a éjecté petit à petit pendant une heure après notre confrontation. Si tu savais comme je me sens mal de ces mots cruels que j'ai eus. Mais je ne peux pas les regretter. Je ne peux pas m'excuser sans que l'électrochoc que j'espère t'avoir infligé ne perde en effet. Et c'est pourquoi cette lettre rejoindra toutes ses consœurs que tu liras le jour où tu seras prête à m'écouter.

Je t'en prie, je t'en supplie... Reviens Enola...

My Life, My HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant