Chapitre XXXI : 7 years - Lukas Graham

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« Je réalise ce que j'ai perdu à cause de cet accident. Je ne verrai plus jamais les couleurs. Ni les visages. Ni le ciel. Je ne verrais jamais les yeux de ma fille. La confrérie m'a volé ma lumière. Toute ma lumière. »

Extrait du journal d'Enola en sevrage de dilitírio

Je marche dans une rue guindée éloignée de chez nous. Il me faut un instant pour resituer la scène que je vois à travers mon propre regard. Mes talons claquent sur le sol silencieux. Je ne baisse pas la tête, refusant de témoigner une quelconque faiblesse ou timidité. Les pans de ma cape se balancent au rythme de mes pas rapides. Je ne croise pas grand monde à cette heure tardive. J'ai dit à Eden que j'avais un exposé à faire avec Calie pour venir ici seule. Je ne dois pas traîner. De une car mon alibi est précaire et doit tenir dans un timing précis. Et de deux car je n'ai pas envie de me balader sur le terrain de chasse des dealers à la nuit tombée.

Je bifurque à un angle et mes yeux se posent sur l'objet de ma venue. Une porte sous scellée et marquée de banderoles jaunes. Approche interdite hors personnes habilitées. Je me garde bien de toucher quoi que ce soit. Mon regard se promène sur la façade à la recherche d'indices. Voilà deux mois que je cherche à rentrer en contact avec les Naufrageurs. Mais difficile de clamer sur tous les toits que l'on quémande les services d'une confrérie d'assassins. J'étais à court d'idée lorsque la nouvelle est tombée hier soir. Un nouveau meurtre assigné aux Naufrageurs. Si j'étais eux et que je devais laisser un moyen de me contacter, je le ferais au seul lieu auquel on me rapporte. Et je le ferais de préférence au nez de tous. Pour être discret, soyons remarqués, n'est-ce pas ce qu'on dit ? Je scrute les pierres du mur, les interstices, les marches du perrons sans rien toucher. Rien. Je passe encore dix minutes à analyser la rue. Nada. Je soupire. Encore une fausse route... J'y croyais pourtant dure comme fer cette fois. Ne va pas au tableau d'affichage, ai-je envie de souffler à la Enola du passé.

Je vais faire demi-tour lorsque mon regard est attiré par les affiches des candidats à l'élection présidentiel. Au nez de tous... Je traverse la rue d'un pas vif pour m'avancer vers le panneau en liège. Des promesses en l'air, des airs de conspirateurs, je me force à dépasser les visages peu avenants à la recherche de modifications ou de phrases alambiquées. Je continue mon inspection au niveau des associations et une photo de plage souillée attire mon attention. Une association pour la défense des fonds marins. Je regarde avec plus d'attention les petites écritures en italique quasiment illisible. Un numéro de téléphone, une adresse dans les quartiers moyens. Rien d'étonnant. Mais leur slogan m'interpelle. « La mer entend, mais seules les vagues répondent. » Je déchiffre la suite avec difficulté.

« Anecdote du jour : la carpe koi s'est éteinte en 2031 à cause de la pollution de son écosystème. Luttez avec nous. »

J'arrache proprement l'affiche et la range dans mon sac. Je ferme les yeux en serrant le médaille de ma sœur pendant à mon cou. Je suis certaine d'avoir mis la main sur quelque chose... Plus qu'à voir où ça me mène... À ta propre perte... Voilà où tu vas, Enola. Voilà où tu vas...

Une inspiration.

Le monde s'éclaire sur une salle de restaurant tamisée. Il me faut moins d'une seconde pour me resituer. La décoration littorale rend l'ambiance unique. Le regard d'Eden s'est illuminé lorsqu'il est entré dans le restaurant. Lui qui adore les lieux atypiques, qui réussissent à te faire voyager lorsque tu passes le pas de la porte, le voilà servit. Tu l'as utilisée, Enola. Partez. Nous fêtons nos un an ensemble. Je scrute les serveurs, tableaux à la recherche d'indices supplémentaires. Ou même d'une confirmation que je suis au bon endroit. L'adresse de l'affichette est formelle mais j'ignore toujours si je suis sur la bonne piste.

My Life, My HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant