Chapitre II : Famille - Génération Goldman

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« La confrérie des Naufrageurs est ma seule chance de rédemption et mon unique condamnation.»

Extrait du journal d'Enola sous dilitírio

— C'est moi, je suis rentrée !

Je pose mes clés sur le meuble d'entrée et ôte mon manteau. La chaleur et la moiteur des lieux me font soupirer alors que l'odeur de la sueur me frappe les narines. Jo a encore dû courir dans tous les sens aujourd'hui... Et visiblement, il n'a toujours pas acquis le réflexe de prendre une douche dès qu'il rentre. Et il a dû lancer le poil et la cheminée en plus... C'est dingue cette manie ! Je veux bien qu'on soit en février, mais il n'y a pas non plus besoin de transformer la maison en sauna ! On habite dans un quarante mètres carrés avec quatre pièces, mince ! On n'a pas un palais à chauffer !

Je commence à retirer mes chaussures puis fronce les sourcils, soudain interpellée par le silence inhabituel. Pourquoi Lilou n'est-elle pas venue m'accueillir ? D'ordinaire, j'ai à peine le temps de poser mes affaires qu'elle me saute déjà dessus pour me raconter sa journée dans les moindres détails. Je tends l'oreille. Je n'entends que la télé diffusant les mauvaises nouvelles du jour. Pas de stylos griffonnant le papier, pas de pages de livres qui se tournent. Aucun effluve de jasmin non plus.

J'ôte ma deuxième basket et pars d'un pas pressé, quitte à mettre en difficulté ma patte folle. Jo était censé aller la chercher à dix-huit heures trente une fois son service fini et il est presque vingt heures. Ce n'est pas normal... La main contre le mur pour me guider, j'atteins le salon. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. L'âcreté de la transpiration mêlée à celle de la bière me serre la gorge et je perçois à présent distinctement les gorgées que mon compagnon de vie boit sur le canapé devant l'écran.

— Où est Lilou ? demandé-je sans un bonjour.

Il tourne la tête vers moi.

— Avec toi. Tu devais aller la chercher, non ?

Mon cœur loupe un battement. Quoi ? Ça veut dire qu'elle est toujours à la périscolaire ? L'agacement et le stress se disputent dans mon estomac y créant des crampes. Et s'il s'était passé quelque chose.. Et si...

— Tu te fiches de moi ?! Tu sais très bien que le lundi, j'ai des horaires compliqués avec les arrivages tardifs !

Il se lève en faisant craquer ses articulations.

— Oh, ne crie pas... J'avais oublié. Je vais aller la chercher. Mais Enola, il faut qu'on établisse un planning plus précis... Tu n'es pas la seule à avoir des journées chargées, je ne peux pas être partout.

Je serre les poings, ravalant le jet acide qui monte dans ma gorge. Sa diplomatie m'agace au plus haut point.

— Va la chercher, assené-je, sèchement.

Sa bouteille de bière claque sur la table quand il l'y pose. Aucun tintement ne lui répond ce qui me rassure aussitôt. Il en est à sa première. Il est encore en état de conduire et donc de me ramener ma fille. Jo se lève. Il veut rétorquer quelque chose, mais une fois face à moi, il se fige.

— Ok, ok, tempère-t-il en levant les mains devant lui. J'y vais, j'ai dit, d'accord ?

Mes ongles s'enfoncent dans ma peau. Le besoin de lui attraper la gorge et de le forcer à se dépêcher m'envahit. Je repousse comme je peux ces images de violence s'invitant sur la rétine de mes yeux brûlés.

— Enola, inspire... me dit d'une voix calme Jo. Tu as manipulé du dilitírio et c'est en train de te submerger.

Il a raison. Il a raison, me répété-je en me forçant à respirer profondément. Au bout de quelques cycles, mon corps se détend.

My Life, My HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant